Auteurs
Reynaud Emmanuelle
Egri P. Carolyn
Ralston A. David
Résumé
Les partisans d’une Europe sociale s’inquiètent de l’arrivée des ex-pays de l’Est dans le paysage communautaire. Selon eux, leur entrée conduira inévitablement les stratégies des entreprises européennes vers une plus forte orientation marché (vs société).
Cette inquiétude, relayée par les media et amplifiée par la victoire du non à la constitution européenne, porte en germe la problématique suivante : Il y aurait-il deux façons de penser la stratégie d’entreprise, d’un côté la vieille Europe, soucieuse de l’humain, héritière du capitalisme rhénan et de l’autre les pays de l’ex-Europe de l’Est convertis au néo-libéralisme?
Afin de vérifier ce postulat le présent article propose un détour par les valeurs.
Les valeurs influencent significativement la façon dont les Hommes et donc les dirigeants se représentent le monde. Or, les managers décident et agissent en fonction des représentations qu’ils se font : certains managers vont donc privilégier le marché tandis que d’autres seront plus orientés société.
Pour apprécier ces éventuelles différences au sein de l’Europe, nous avons conduit une recherche auprès de 3836 dirigeants répartis dans seize pays (données recueillies par l’«University Fellows Research Consortium », composé d’universitaires de différents pays, auteurs du présent article) en utilisant le modèle des valeurs de Schwartz (1994, 1997). Ce modèle identifie quatre valeurs cardinales (valeurs de transcendance, de propre enrichissement, d’ouverture au changement et de conservatisme).
L’analyse de la variance donne les résultats suivants : les managers des pays fondateurs de l’Europe privilégient des valeurs de transcendance (donc collectivistes). De même, ils sont plus ouverts au changement ; mais aucune différence n’est trouvée entre les différents groupes de pays en ce qui concerne les valeurs de propre enrichissement ou de conservatisme. En d’autre termes, les fondateurs sont à la fois plus orientés société (valeurs de transcendance) et plus armés dans un univers orienté marché (ouverture au changement). On retrouve la conciliation marché/ société des économies post-modernes. A contrario, les ex-pays de l’Est ont abandonné l’orientation société proposée par le communisme sans avoir acquis les valeurs du capitalisme.