Auteurs
Benoît Demil
Xavier Lecocq
Résumé
Durant les premières années d’un nouveau secteur, les entreprises font face à des problématiques que ne connaissent pas celles qui entreront par la suite dans le secteur et qui pourront imiter plus ou moins leurs prédécesseurs en adoptant les formes et pratiques déjà établies. Elles affrontent notamment une situation de très grande incertitude car elles ne disposent pas d’un passé auquel se référer. Notre article se focalise sur les conséquences, en termes de survie, des choix stratégiques des nouveaux entrants dans les premières années d’un secteur. Nous testons plusieurs hypothèses en insistant notamment sur le rôle de modèle du pionnier ou du leader dans un nouveau secteur et sur l’imitation de ses choix stratégiques par les suiveurs. Notre recherche empirique porte sur le secteur américain du jeu de rôle sur 20 ans (1974-1993) et s’appuie sur une étude qualitative et sur une base de données comprenant 4004 produits et 302 éditeurs.
En termes de résultats, notre recherche montre dans la lignée des travaux rapprochant écologie des populations et néo-institutionnalisme, l’intérêt de considérer à la fois les facteurs de densité de population sur les différentes niches et les facteurs cognitifs tels que les effets de lock-in générateurs d’inertie. De plus, une approche en termes de densité de population gagne également à intégrer le statut des intervenants du secteur. L’ensemble de nos résultats permet également d’identifier les mécanismes de « la malédiction des suiveurs ». En situation d’incertitude forte, et comme l’indique le néo-institutionnalisme, les entreprises cherchent auprès d’entreprises à fort statut des modèles à appliquer. Néanmoins, cette imitation en masse accroît la densité de population sur la niche choisie par le pionnier/leader, réduisant la probabilité de survie sur cette niche. Cette forte mortalité est renforcée par les avantages au pionnier. Ce dernier capte en effet les ressources du marché et profite des externalités de réseau en constituant rapidement une base installée de clients. Cet enchaînement négatif (imitation du pionnier/leader et plus forte mortalité) serait peu dommageable si les entreprises pouvaient librement se mouvoir d’une niche à l’autre et réajuster leur stratégie. Or, les imitateurs de l’entreprise à fort statut sont victimes d’un lock-in cognitif qui les enferre dans leur choix initial limitant ainsi la réallocation de ressources et in fine leur adaptation à l’environnement.
Mots-clés : Secteur naissant, imitation, différenciation, mortalité, lock-in cognitif
