AIMS

Cusin Julien
L’effet papillon : une forme d’apprentissage par l’échec ?

Auteur

Julien Cusin

Résumé

Selon la plupart des travaux en sciences de gestion, les échecs commerciaux ne devraient pas être dramatisés dès lors qu’ils constituent potentiellement des objets d’apprentissage (Lynn et al., 1996 ; Leonard-Barton, 1995 ; Maidique et Zirger, 1995 ; Hamel et Prahalad, 1994). De même, l’idée est avancée qu’un échec sert souvent de stimulus pour déclencher un changement dans l’organisation (Greve, 2003 ; Miller, 1993 ; Cyert et March, 1963). Cet article souhaite apporter un éclairage complémentaire à cette question en montrant tout d’abord que ces deux courants de recherche méritent d’être réconciliés, dès lors qu’il y a une intrication très forte entre les notions d’apprentissage par l’échec et de changement induit par l’échec. Plus exactement, nous suggérons d’envisager l’évolution du comportement d’une entreprise à la suite d’une déconvenue comme le stade ultime de l’apprentissage par l’échec.
En fait, ce dernier se découpe en deux étapes successives : une phase de développement cognitif suivie d’une phase de développement comportemental. A ce titre, les deux cas étudiés dans cette recherche permettent de repérer une même forme d’apprentissage comportemental – en l’occurrence la modification des procédures – face à un échec commercial. Cet article cherche ensuite à savoir si l’impact d’un tel revers sur le comportement d’une organisation ne s’intègre pas finalement dans la logique du garbage can (March et al., 1972). Enfin, nous nous demandons si cet apprentissage par l’échec ne peut pas également être comparé à « l’effet papillon » identifié dans la théorie du chaos. Ce concept est ainsi présenté comme
une déclinaison possible du modèle de la poubelle. Rappelons, à ce titre, que l’effet papillon, introduit par le météorologue du MIT Edward Lorenz (1961), veut qu’une perturbation minime telle qu’un battement d’aile de papillon puisse, après un long moment, par amplification exponentielle, déclencher un cyclone. La question se pose donc de savoir si on peut appliquer ce concept à des phénomènes que la plupart des acteurs jugent a priori insignifiants à l’échelle du groupe, mais qui se révèlent a posteriori cruciaux dès lors qu’ils sont à l’origine de changements organisationnels importants ? Sans adopter un point de vue déterministe, cet article s’interroge donc sur la possibilité qu’un échec commercial conduise à ce qu’une firme modifie son cap de façon concrète. Notons que le recours à deux études de cas distinctes, mais aboutissant aux mêmes résultats, vise à écarter le rôle joué par le hasard dans la concomitance entre ces deux évènements.