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ST-AIMS 09 : Temporalité et Innovation

Mots-clés : Innovation – temporalité – stratégie – organisation – ambidextrie – processus – paradoxe
 

Les questions temporelles sont omniprésentes dans le management de l’innovation et rythment la vie des organisations (Bluedorn & Denhardt, 1988). La littérature académique montre l’intérêt d’explorer l’articulation entre la temporalité et l’innovation, en examinant, par exemple, les tensions temporelles (Simon & Tellier, 2016) dans les organisations adoptant l’innovation ambidextre (Tushman & O’Reilly, 1996; Smith & Tushman, 2005), l’impact de  la perception temporelle des individus sur leur leadership en termes de créativité et d’innovation (Halbesleben et al., 2003), la relation entre la structure temporelle et le dynamisme de l’équipe créative (Bakker et al., 2013), l’allocation des ressources temporelles dans l’innovation et l’entrepreneuriat (Sirén et al., 2020) ou encore les effets négatifs de pressions temporelles trop fortes et non maîtrisées qui conduisent à des effets « Reine rouge » (Delacour et Liarte, 2015) ou des processus de commoditisation (D’Aveni, 2010).
Pour élargir et prolonger ces pistes existantes, cette STAIMS, inscrite dans les activités du Groupe Thématique (GT) Innovation, cherche à fournir un espace d’échanges, ouvert aux différentes approches épistémologiques, méthodologiques, voire disciplinaires, sur l’articulation entre la temporalité et l’innovation dans les contextes organisationnels de toute nature : secteur privé, public ou associatif, etc. Elle accueille des études, empiriques ou conceptuelles portant sur les temporalités au niveau individuel, des équipes projet, organisations ou réseaux inter-organisationnels.
En vue de lancer cette réflexion collective, nous commençons par suggérer une compréhension de la temporalité, basée sur les apports issus de différents domaines de la recherche en gestion, selon laquelle la temporalité est un ensemble de construits intrinsèques et extrinsèques (Das, 1993) opérant avec le temps. Cette temporalité est de nature chronologique, innée ou sociale (Huy, 2001) et peut fonctionner de manière linéaire, cyclique, spiral, ou dialectique (Cunha, 2004). Les construits temporels, tels que la durée, la fréquence, la vitesse, l’orientation temporelle, etc., ainsi que les possibles configurations de ces construits, telles que le flow, la vélocité, la simultanéité, la séquenciation, la priorisation, l’accélération, etc., sont fréquemment mobilisés dans la recherche en gestion (Bluedorn & Denhardt,1988 ; Eisenhardt, 1989 ; Bluedorn et al., 1992 ; Brown & Eisenhardt, 1997 ; Ancona et al., 2001 ; Chia, 2002 ; Orlikowski & Yates, 2002 ; Langley et al., 2013).
De manière plus sous-jacente, ces études existantes s’appuient principalement sur quatre approches temporelles : le temps comme une ressource (Taylor, 1911) ; le temps comme un instrument (Gulick,1987) ; le temps comme un processus structurant (Orlikowski & Yates, 2002 ; Langley et al., 2013) et le temps comme une perception (Flaherty, 2003 ; Pedersen, 2009). En fonction de l’approche, le temps permet de créer les activités, de mesurer et d’évaluer la réalisation, de hiérarchiser les activités ou de coordonner les individus et équipes au sein des organisations. Bien entendu, ces approches n’opèrent pas de manière isolée dans les organisations, étant donné que la temporalité organisationnelle, issue de la synchronisation de différents construits temporels (Peng, 2019), est de nature composite (Hernes, 2004).
La temporalité et l’innovation peuvent s’articuler de manière multiple. Il peut s’agir de la temporalité de l’innovation, de l’innovation en termes de temporalité organisationnelle ou individuelle, de l’interaction entre les construits temporels et l’innovation, ou encore du développement de configurations temporelles nouvelles contribuant à l’innovation.
La nature de l’innovation est aussi à appréhender de manière multiple : innovation industrielle, innovation technologique, innovation opérationnelle, innovation managériale, innovation organisationnelle, innovation sociale, innovation sociétale, etc.
De plus, si les études existantes en la matière privilégient jusqu’alors les structures par projet, il serait probablement intéressant d’explorer la temporalité au niveau organisationnel, inter-organisationnel voire sociétal ou de s’intéresser à l’impact des technologies numériques sur la temporalité au sein des organisations. Une autre piste de recherche associée à l’actualité peut consister à analyser la réaction des individus, équipes ou organisations face aux ruptures temporelles engendrées par la crise sanitaire actuelle.
Par conséquent, nous proposons différentes pistes de recherche associant temporalité et innovation liées à l’évolution économique, sociale, sociétale et technologique :
-    Quel est le rôle de la temporalité dans la définition, la configuration, le management et la réalisation des activités d’innovation ?
-    Comment est gérée la temporalité au sein des organisations ayant des groupes projet répartis dans différents pays ou des activités à distance ?
-    Quels sont les nouveaux construits temporels générés par les technologies numériques ?
-    Dans quelle mesure l’innovation sociale favorisant l’inclusion des individus ou organisations est favorisée dans des groupes ayant des temporalités hétérogènes (Gibson et al., 2007) ?
-    Quel est la contribution de la dimension perceptive et cognitive de la temporalité, telle que la narrative temporalité (Pedersen, 2009) ou la narrative imaginative (Bluedorn & Standifer, 2006) dans la construction de scénarii pour innover ?
-    Quel est le rôle de la temporalité de la prise de décision dans la stratégie et le management de l’innovation ?
-    Quel est l’impact de la speed trap (Perlow et al. 2002) dans la prise de décision au sein des entreprises recherchant l’accélération du changement ou des processus de forte croissance (Le Masson et al., 2006) ?
-    Comment les organisations peuvent gérer la polychronicité et la monochronicité de leurs salariés (Bluedorn et al., 1992) ?
-    Comment la temporalité individuelle s’intègre dans la temporalité organisationnelle ? 
-    Quelles sont les caractéristiques spécifiques de la temporalité d’une organisation ou d’une équipe innovante ?
-    Dans quelle mesure la temporalité organisationnelle est une source de compétitivité pour les entreprises ?
-    Comment les parties prenantes d’une organisation parviennent à synchroniser leurs temporalités pour opérer ensemble ?
-    En quoi la crise sanitaire a transformé la temporalité des organisations (ruptures temporelles, gestion du télétravail…) ?
-    En quoi la perception des contraintes temporelles (Waller et al., 2001) conditionne ou pré-conditionne-t-elle la créativité et la capacité de prise de décision des individus ?
-    En mobilisant une approche cognitive, on peut également s’intéresser au temps cognitif (von Schéele, et al., 2019) ou au modèle mental temporel (Standifer & Bluedorn, 2006) et à leur influence sur l’innovation
Enfin, d’un point de vue heuristique, le terme « innovation », comme les termes « changement », « évolution », « transformation », « croissance » et « développement », restent indissociables à la notion de la temporalité (Forray & Woordillan, 2008), car ils évoquent, de manière plus ou moins sous-jacente, une comparaison de différentes situations suivant une échelle temporelle. Par conséquent, notre STAIMS est également ouverte aux discussions au-delà du champ strict du management de l’innovation, notamment sur celles portant sur la temporalité dans la stratégie et la prise de décision (Pollay, 1970 ; Van de Calseyde et al., 2014), la conduite de changement, la transformation organisationnelle, les transformations sociétales (Bansal & Desjardines, 2014), etc.
Il reste à préciser que, durant ces dernières années, l’intérêt porté par les communautés scientifiques en sciences de gestion sur le « temporal work » (Kaplan & Orlikowski, 2013) s’accroit. Plusieurs communautés scientifiques (Academy of Management, European Group for Organizational Studies) proposent des espaces d’échanges lors de leurs récents congrès, dont certains portent sur la temporalité d’innovation.
Les pistes évoquées dans cet appel ne sont ni exhaustives ni exclusives. Les réflexions issues des approches non évoquées, par exemple, des approches historique, philosophique, économique etc., seront également bienvenues et cette STAIMS se veut un espace scientifique inclusif et stimulant.
Un numéro spécial est envisagé dans une revue scientifique classée par le CNRS, la FNEGE et l’Hcérès. Les papiers soumis peuvent être en français ou en anglais. En fonction du retour issu de cette première session thématique, l’organisation d’autres événements sera étudiée.

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