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ST-AIMS 06 : Design et Management

Mots-clés : design, management, stratégie, créativité, innovation
 

Si, pour beaucoup, le design demeure encore une pratique visant à améliorer l’apparence esthétique des objets et leur packaging, ce qui l’amène à être cantonné aux fonctions opérationnelles et fonctionnelles de l’entreprise, force est de constater l’influence grandissante du design sur les pratiques managériales, allant parfois jusqu’à en faire un levier stratégique de transformation des organisations (Verganti, 2009 ; Junginger, 2015). C’est ainsi, par exemple, que le design thinking, une méthode de créativité issue du design, peut transformer une entreprise en ayant un impact positif sur la stratégie de RSE d'une entreprise en termes d'innovation (Szostak et Boughzala, 2020).

Pourtant, ce constat masque les difficultés majeures du design à être reconnu en tant que discipline en France, ce qui limite de facto le débat sur sa scientificité en gestion, alors qu’au plan international, le champ des design studies est installé depuis les années 1970 avec de nombreuses conférences académiques dédiées, des revues de haut niveau, des départements de recherche en design en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Pour parvenir à discuter du design en tant que discipline scientifique malgré tout, des réflexions sont menées par les chercheurs en management et/ou design. Nous en citerons deux principales. Premièrement, certains auteurs parlent de « design management » comme sous-discipline de la gestion (Borja de Mozota, 2018 ; Blum et Cova, 2018), cette science à la fois hybride et fondée sur la pratique (David et al., 2012). Dans cette perspective, le design management appréhende le design selon sa logique stratégique (Szostak et Dhuyvetter 2010) et désigne l’activité de design de l’organisation (et non l’activité de gestion du design). Il représenterait alors une perspective de management renouvelée (Aktouf, 2006), incarné par des pratiques et des outils empruntant aux principes du design (Boland et Collopy, 2004). A titre d’illustration, le business model canvas d’Osterwalder et Pigneur (2011) représente une version simplifiée du business model plus classique, avec possibilité de prototypage rapide, promettant ainsi une appropriation plus facile de l’outil. Deuxièmement, le design est approché comme un potentiel remède à la « face cachée de l’innovation » (AIMS, 2020). En effet, en plus d’être une source indéniable de créativité organisationnelle (Borja de Mozota, 2002; Szostak, 2006), au même titre que la créativité entrepreneuriale (Lerch et al., 2015), et plus largement d’innovation car jugé plus adapté au contexte incertain et complexe (Ben Mahmoud- Jouini et al., 2016), le design porterait une philosophie fondamentalement esthétique du faire société visant à améliorer « l’habitabilité du monde dans toutes ses dimensions » (Alain Findeli, cité par Gauthier et al., 2015, p. 120). Et, aujourd’hui, penser l’agir ensemble selon une perspective gestionnaire gagnerait peut-être à s’inspirer de cette philosophie. En même temps, des travaux récents soulignent les difficultés du design et des designers à se conjuguer avec les logiques classiques de gestion (Junginger, 2015 ; Carlgren et al., 2016 ; Björklund et al., 2020). Certains auteurs soulignent l’importance de certaines conditions organisationnelles, telles que la vision stratégique, un langage commun (Béjean 2015) ou le capital culturel, pour assurer une intégration à long terme réussie du design (Wrigley et al., 2020).

Prenant acte de l’influence grandissante du design sur les pratiques managériales, basée sur des études empiriques et théoriques, cette ST-AIMS vise à interroger les modalités de cette influence, ses apports ainsi que ses limites. A titre indicatif, et sans prétendre à l’exhaustivité, les contributions attendues pourront notamment apporter des éléments de réflexion et de réponses aux grandes questions suivantes :
- Comment se concrétise le design en tant que levier de transformation des organisations, mais aussi de territoire ou d’écosystème ?
- Quelles sont les conditions de réussite de l’intégration du design dans la stratégie de l’entreprise ? Est-ce que ces conditions sont semblables selon les secteurs d’activité, le statut des organisations, la taille ?
- En tant que méthode d’innovation basée sur la manière dont les designers pensent et travaillent, quelles sont les mécanismes spécifiques au design thinking qui favorisent la créativité au sein des organisations, des filières, des territoires, etc. ? Quels en sont les enjeux ?
- En tant qu’approche centrée sur l’utilisateur, comment le design influence-t-il le développement et l’implémentation des outils de gestion, ainsi que leur processus d’appropriation par les acteurs ?
- Que peut apporter le design au management des organisations, et le management au design ?
- Comment le design peut-il contribuer à l’instruction de problèmes pernicieux dans les entreprises et, plus largement, la société ? De manière plus circonstanciée, quel rôle peut jouer le design pour faire face à des crises telles que celles induites par la COVID-19 ?

 

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