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ST-AIMS 03 : Business Models et nouvelles pratiques de valorisation des ressources et des compétences

Mots-clés : business models, pratiques, valeur(s), valorisation, innovation, ressources & compétences, défis sociétaux.
 

Cette session thématique est portée par le GT « Valorisation des ressources et des compétences et business models ».

Dans de nombreux secteurs, nous constatons l’émergence de business models (BM par la suite) originaux reposant sur la valorisation de ressources « non stratégiques », c’est le cas par exemple des BMs circulaires (Beulque & al., 2019) ou les BM d’ « upcycling » pouvant créer de la valeur à partir de déchets, des BMs de plateforme valorisant une masse de ressources ordinaires (Frery & al., 2015) mais également des pratiques d’entrepreneurs sociaux valorisant par exemple des ressources humaines délaissées sur le marché du travail en inventant des BM inclusifs (Warnier & Weppe, 2019). Les nouveaux rôles confiés aux clients par les entreprises ayant développé des « customer-integrated business models » (Plé & al., 2010) sont une illustration que les clients sont potentiellement des ressources créatrices de valeur pour l’entreprise, et pas uniquement les destinataires de la proposition de valeur. Si ces pratiques se diffusent rapidement dans de nombreux secteurs, les recherches commençant à s’y intéresser mobilisent des cadres théoriques hétérogènes, ce qui ne permet pas pour l’instant un vrai processus d’accumulation des connaissances sur ces sujets.

De manière plus profonde, ces pratiques questionnent la finalité même du management stratégique et soulèvent les limites des cadres théoriques dominants. Face aux nouvelles pratiques de valorisation développées par de nombreuses entreprise, on peut s’interroger : les cadres de pensée existants ne sont-ils pas devenus obsolètes dans un monde ou la valeur et la rareté des ressources et des compétences ne sont plus les fondements de l’avantage concurrentiel ? L’étude de ces pratiques devrait nous conduire à développer des nouvelles approches permettant de comprendre comment les organisations créent et captent de la valeur à partir des ressources et compétences disponibles, rarement « stratégiques », mais plus souvent ordinaires et même parfois délaissées par les autres entreprises. Plutôt que développer un avantage concurrentiel durable par l’acquisition ou le développement de ressources « stratégiques », les entrepreneurs, les managers, les salariés de la plupart des organisations semblent davantage chercher à découvrir ou élaborer les services qu’ils peuvent tirer de leurs ressources (Baker & Nelson, 2005 ; Demil & Weppe, 2012 ; Penrose, 1959), grâce à leur orchestration (Sirmon & al, 2011).

Une piste intéressante serait dans un premier de temps d’identifier les caractéristiques des stratégies et des business models capables de créer de la valeur sans ressources « VRIN », sans ressources de valeur, rares, inimitables, non-substituables. Ces ressources non « VRIN », longtemps délaissées de la réflexion stratégique prennent d’autant plus d’importance que des courants de recherches (comme le BM) semblent de plus en plus s’intéresser à la question de la création de valeur, là où les paradigmes dominants en management stratégique se focalisent davantage sur la capacité des firmes à capter la valeur. L’évaluation de la pertinence d’une stratégie se fait dans un premier temps en fonction de la création de valeur pour une variété de parties prenantes, notamment les clients (Priem, Wenzel et Koch, 2018). Un avantage concurrentiel peut se constituer grâce à la création de valeur d’usage et non pas (ou pas seulement) grâce à la capture de valeur sur un marché de facteurs de production (Schmidt & Keil, 2013).

Ces nouvelles pratiques de valorisation des ressources nous amènent également à nous interroger sur ce que sont les ressources pour une organisation et comment les managers les perçoivent. Ces questions pratiques sont rarement posées en management stratégique, car aux problèmes pragmatiques de management des ressources sont substituées les boîtes noires de la « capacité de picking » ou des « capacités dynamiques » permettant l’adaptation à l’environnement (Schilke & al., 2018). Ce développement de concepts de plus en plus abstraits conduit progressivement à une recherche désincarnée (Powell, 2014), laissant peu de place aux choix des dirigeants. De manière un peu provocante, nous pourrions affirmer que le concept de ressource est un impensé du management stratégique puisque la ressource est toujours l’élément qui explique mais quasiment jamais l’élément à expliquer. Autrement dit, la ressource est le point de départ de la réflexion, alors qu’elle devrait être davantage le résultat du processus de « resourcing ».

Dans un contexte où les organisations doivent répondre à des grands défis environnementaux, sociaux et sociétaux, il convient de s’interroger de s’interroger sur la capacité des organisations à faire preuve de créativité en transformant leurs modes d’exploitation des ressources rares et en mobilisant de nouvelles largement disponibles ou délaissées.

Dans cet appel à communication, nous soutenons l’idée que croiser l’approche ressources et compétences (ARC) avec celle sur les BMs (Demil & al., 2018 ; Demil & Lecocq, 2010) peut constituer une piste intéressante afin de mieux comprendre comment des managers ou des entrepreneurs arrivent à créer de la valeur économique, sociale, environnementale à partir de ressources a priori non stratégiques. Les travaux florissants de l’approche Business Model permettent d’envisager de façon dynamique les processus liés aux ressources et compétences, ce que ne permettent pas totalement aujourd’hui les travaux de l’ARC. En effet, la littérature sur le business model ne se concentre désormais plus uniquement sur l’étude statique des business models (i.e. prendre une capture à un instant T du BM entreprise) (Ritter & Lettl, 2018), mais s’intéresse désormais de plus en plus aux différents processus d’innovation de business model (Foss & Saebi, 2017, 2018). Dans cette perspective, il s’agit d’étudier la manière dont un nouveau BM peut entraîner le renouvellement des pratiques d’un secteur (Markides & Sosa, 2013) et/ou la manière dont une entreprise reconfigure son business model (Berends et al., 2016) en renouvelant une ou plusieurs composantes de son business model et leur interdépendance pour continuer à créer et capturer de la valeur. Le développement des écosystèmes et des plateformes interroge les approches existantes éclairant le contrôle des ressources et compétences (Pfeffer & Salancik, 1978). Comment appréhender le management des ressources lorsque celles-ci sont partagées avec des clients ou des fournisseurs ? L’approche BM permet d’apporter de nouveaux éclairages sur les mécanismes de management des ressources et compétences apportées et parfois partagées avec des acteurs externes, en s’ouvrant vers l’environnement dans lesquels les organisations évoluent (Hienerth et al., 2011).

Les contributions attendues
Cette STAIMS est ouverte à tous types d’approches théoriques, épistémologiques, et méthodologiques. Dans le cadre de cette session thématique, nous sommes d’ailleurs intéressés par les recherches encore exploratoires, donnant à voir des pratiques développées par les organisations et leurs managers pour créer de la valeur à partir de ressources « non stratégiques ». Plusieurs voies de recherche semblent particulièrement intéressantes, sans être exclusives :
- Par quelles pratiques, les managers valorisent-ils leurs ressources afin de développer des stratégies performantes ?
- Comment des nouvelles pratiques de valorisation des ressources se diffusent-elles dans un secteur ?
- Comment les managers reconfigurent-ils leur BM lorsque les principales ressources de leur organisation perdent de la valeur ?
- Quelles sont les caractéristiques des business models créant de la valeur à partir de ressources non possédées en propre et apportées par les acteurs de l’écosystème ?
- Comment les entreprises arrivent-elles à reconfigurer leur organisation pour créer de la valeur avec leurs clients ?
- Pourquoi certaines entreprises perçoivent de la valeur dans des ressources pourtant délaissées par la très grande majorité ?
- Comment certaines organisations arrivent à développer un BM créateur de valeur à partir d’une masse de ressources ordinaires (Fréry, Lecocq & Warnier, 2015) ?
- Comment des entrepreneurs façonnent un BM créateur de valeur économique et sociale à partir de ressources négativement perçues par les autres acteurs du champ (Warnier & Weppe, 2019) ?
- Comment les entreprises réagissent-elles lorsque leurs ressources, leurs compétences ou leurs modes de production sont dévalorisés par des parties prenantes externes ?
- Comment les managers reconfigurent-ils le BM de leur entreprise lorsque les ressources qu’ils mobilisent apparaissent illégitimes ?
- Quelles relations entre la valeur des ressources mobilisées et la valeur créée par l’entreprise ?
- Quelle influence des valeurs dans le processus d’évaluation de valeur des ressources et compétences ?

 

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