AIMS

Index des auteurs > Rouleau Linda

Rouleau Linda

Auteur

Linda ROULEAU


Résumé

En janvier 1995, la revue Journal of Management Studies publiait un article dans lequel les auteures proposaient une nouvelle classification des approches en stratégie et suggéraient l’émergence, depuis le début des années 1990, d’un courant critique dans ce domaine d’étude et d’application (Rouleau et Séguin, 1995). C’est en définissant la stratégie comme un objet d’étude et en s'intéressant à l'expérience matérielle et symbolique de ce type d’activité que de plus en plus d’auteurs présentent une manière différente de concevoir la formation des stratégies et proposent ainsi de nouvelles perspectives en management stratégique (Knights et Morgan, 1990; Knights, 1992; Westley, 1990; Whittington, 1989). Dans la foulée de ces derniers, ce texte propose une nouvelle manière de comprendre la formation des stratégies en posant le problème de la production et de la reproduction sociales de l'action dans les organisations.

Au lieu de représenter la formation des stratégies comme choix ou comme processus, nous suggérons de l'envisager telle qu'elle est socialement structurée dans le cours ordinaire de l'action. Jusqu'à maintenant, la plupart des connaissances en stratégie, qu'il s'agisse des approches rationnelles ou des approches processuelles, rendent compte de leur formation à partir des liens que les gestionnaires, particulièrement ceux du sommet, entretiennent avec un environnement qui, la plupart du temps, est représenté comme s'il était une réalité existant à l'extérieur de l'organisation. Or, la séparation gestionnaire/environnement est une distinction formelle qui sert à représenter l'action plutôt qu'à contribuer directement à sa transformation. Dans la réalité quotidienne du gestionnaire, le marché n'existe pas en soi. Il en est de même pour le système concurrentiel. Les gestionnaires font directement affaire avec un grand nombre d'individus dont certains sont leurs clients alors que d'autres font partie des réseaux de l'entreprise (fournisseurs, membres de diverses communautés, représentants de l'État, etc.). C'est dans ces nombreuses rencontres quotidiennes que, selon l’expression consacrée, les stratégies «émergent».

La réflexion que nous proposons commence par faire état de la nécessité de dépasser les formes discursives modernistes qui caractérisent les connaissances en stratégie. Nous traçons par la suite les grandes lignes d'un cadre d'analyse qui examine la formation des stratégies selon une approche structurationniste. Puis, nous présentons la démarche empirique de la recherche à partir de laquelle ce cadre d’analyse a été mis à l’épreuve. Il s’ensuit un certain nombre de réflexions et commentaires concernant les résultats de cette démarche sur le terrain. L’exercice permet de dégager deux nouveaux construits, celui de compétence stratégique et celui de ritualisation sociale de l'environnement. Pour conclure, les principes sous-jacents à une approche structurationniste de la formation des stratégies sont mis en relief en même temps que sont discutées la pertinence théorique et la pertinence pratique de cette nouvelle perspective pour le management stratégique des organisations.