Auteur
Philippe Baumard
Résumé
Les décisions de réorientation stratégique (abandon d’investissements, cession d’actifs critiques, entrée dans un nouveau marché) font l’objet de processus d’élaboration formels qui aboutissent à des réunions de « délibération » entre les membres des comités exécutifs concernés. L’étude de la connaissance tacite et de l’intuition dans ses décisions stratégiques a fait l’objet d’études récentes (Bennett & Anthony, 2001) qui montrent que la performance décisionnelle est plus fondée sur la connivence et la densité de connaissance implicite partagées par les décideurs que sur les processus de formalisation. Cette recherche vise à prolonger les découvertes de Bennett & Anthony avec une méthodologie de « recherche –imprégnation » (recherche-action et intervention). Notre article suggère que les précédents travaux ont sous-estimé le rôle de l’ancrage interpersonnel des dirigeants dans la constitution d’un « capital de connaissance tacite collective » préalable à la performance décisionnelle.
Auteurs
Patrick BESSON
Christian MAHIEU
Résumé
Pour impulser et orienter le changement stratégique, les entreprises se sont engagées ces dernières années dans des initiatives d’organisation de plus en plus ambitieuses. Mais, alors que les récits d’expériences et les injonctions instrumentales se sont multipliés, peu d’auteurs académiques ont cherché à élaborer une approche processuelle de ce phénomène. Comment émerge, se construit, se développe une initiative d’organisation complexe ? Quels acteurs l’impulsent, la portent, la relayent ? Quels sont les dispositifs qui l’encadrent, la nourrissent ? En fait, alors que nos connaissances sur le contexte et le contenu de ces initiatives d’organisation complexes se sont développées ces dernières années, nos connaissances sur leur processus restent limitées. Alors que ces initiatives d’organisation sont des terrains exceptionnels pour développer une approche du changement stratégique mettant l’accent sur une dialectique des dimensions politique et cognitive du processus d’action, un déficit d’observation scientifique directe favorise des interprétations réductrices. Pour dépasser ce biais interprétatif induit par la rareté des observations directes il faut pénétrer dans ces laboratoires du changement stratégique que sont ces initiatives. Cette communication repose sur nos pratiques de la recherche-action et s’appuie sur la connaissance approfondie de cinq cas de grandes entreprises appartenant aux secteurs des télécommunications, de l’informatique, des biens d’équipement, du transport et de la distribution. Au terme d’une importante phase de ce travail, nous avons développé la notion de programme d’organisation et la présentons dans cette communication.
Dans une première partie , nous comparerons cette notion avec celles connexes de planification stratégique et de projet. Plus adapté à la conduite des politiques de changement stratégique dans des contextes marqués par l’incertitude, la volatilité et l’ambiguïté, le programme d’organisation se présente comme un mode de conduite du changement alternatif à la planification et au projet. Dans une seconde partie, nous préciserons les fonctions du programme d’organisation comme lieu d’une reconstruction stratégique partagée et comme mode politique de mise en dialogue contradictoire et distancié des dirigeants et du management intermédiaire.
Auteur
Alain VAS
Résumé
L’étude des processus de changement reste un thème largement protéiforme et n’a donné lieu à l’élaboration d’aucune théorie unique. Chacune des théories développée permet d'éclairer un aspect du phénomène et comme l'a écrit Poggi (1965) : "A way of seeing is a way of not seeing ".
L’objet de cette recherche est d’examiner s’il existe un courant paradigmatique dominant, susceptible d’appréhender les processus de changement ou si au contraire, il convient d’adopter une approche multi-paradigmatique pour améliorer notre compréhension du changement au sein des grandes organisations.
Dans le cadre de cette recherche, nous avons mobilisé cinq modèles processuels génériques : le modèle planifié, politique, procédural, interprétatif et chaotique. L’étude en temps réel du projet de changement « Work Force Management » (WFM), mené au sein d’une grande entreprise européenne, nous a permis de construire un méta-modèle qui propose une vision pluraliste des processus de changement organisationnel.
Notre étude a mis en évidence un modèle processuel de « planification-négociation-improvisation », caractérisé par un dosage équilibré entre une démarche analytique et négociée, logique et intuitive, structurée et chaotique. Lors de la phase d’initiation du changement, le processus est formalisé, dominé par une logique de planification. Durant la phase d‘activation, le processus est de plus en plus adaptatif et évolutif. Le changement est négocié selon les contraintes et réticences qui apparaissent en cours de processus. La phase de consolidation, met en avant un processus de changement chaotique, qui révèle des dérives par rapport au plan établi. L’improvisation et l’ajustement continus constituent les moyens pour le manager d’appréhender les décalages, non pas comme des dysfonctionnements, mais comme des opportunités à saisir. Au cours des trois phases étudiées, le contenu du changement est réinventé par les acteurs et nécessite le soutien d’une coalition politique forte pour être effectivement mis en oeuvre.