Alors que l'humanité est confrontée à diverses crises allant du changement climatique à l'injustice sociale, les Communs sont apparus comme un cadre essentiel pour l'action collective et locale visant la durabilité et le bien-être à l'échelle mondiale. Bien que les travaux fondamentaux d'Elinor Ostrom depuis les années 1980 aient contribué à l'émergence d'un discours international sur les biens communs (1990, 2009, 2010, 2012), il n'existe pas pour autant de théorie universelle des Communs. Le concept de « biens communs » se réfère aux ressources que nous partageons en tant que société et qui sont essentielles à notre bien-être collectif. Cela peut inclure des ressources naturelles telles que l’eau et l’air, des infrastructures (routes, ponts, etc.), ainsi que les connaissances, les savoir-faire, les technologies et les cultures. Les biens communs sont considérés comme devant être gérés collectivement par la société dans son ensemble, plutôt que d’être privatisés et contrôlés par des intérêts privés (Taylor, 1995). La recherche contemporaine étend cette notion aux "biens communs négatifs" (Monnin, 2021), soulignant les charges partagées telles que la dégradation de l'environnement.
Les sciences de gestion s'attaquent à ces grands défis en se concentrant sur les stratégies organisationnelles et les cadres méta-organisationnels (Ferraro et al. 2015 ; Berkowitz et al. 2022) situant l’action collective à une échelle abstraite, minorant l’action située en faveur de la protection des Communs. Il existe ainsi un écart notable entre ces objectifs de haut niveau et les expériences pratiques des manageurs. Ce décalage nous invite à reconsidérer la manière dont les théories de Commons peuvent être enracinées dans des expériences localisées et des réalités vécues (Chateauraynaud et Debaz, 2017).
De telles perspectives soulèvent plusieurs questions notamment sur la manière de former les enseignants à la gestion des Communs et leur intégration dans les formations à l'aide de pédagogies actives ou encore comment les incorporer dans les organisations, remettant ainsi en question les limites traditionnelles préjudiciables à la protection efficace des Communs. Trois grands axes de questionnement sont ainsi proposés autour des Communs : au niveau du territoire, de l’enseignement supérieur et au sein des organisations.
Les communs comme modalité territoriale d’apprentissage du management
Au lieu de considérer les communs comme de simples actifs ou des impératifs économiques (Grossetti, 2022), l’approche de la « territorialité » (Maréchal et al. 2013) enrichit notre compréhension en incorporant diverses échelles, histoires et expériences d'apprentissage collectif.
Questions clés pour ce sous-thème :
1. Le territoire, un possible Commun pour l’apprentissage d’un autre management : les territoires offrent-ils une autre trajectoire plus « commune », mais aussi plus singulière/sensible et démocratique (que les intérêts privés des organisations) ?
2. Territoire, identité et expertise individuelles des chercheurs : Comment l'apprentissage ancré sur les territoires recadre-t-il les pratiques de recherche et d'enquête dans le monde universitaire ? Comment ces modes d'enquête alternatifs au sein des tiers espaces influencent-ils les identités et les contraintes des chercheurs ?
3. Organisations et apprentissage avec les territoires : Quelles sont les implications pratiques et socio-matérielles lorsque des organismes éducatifs et d'autres organisations s'engagent dans l'apprentissage des Communs avec les territoires ? Quelles transformations, transitions ou changements peuvent découler de cet engagement ?
La place des Communs dans l'enseignement supérieur
L'enseignement supérieur, en particulier dans le domaine de la gestion, est particulièrement impliqué dans la réflexion pour relever les grands défis mondiaux précités. L'intégration des Communs dans la pédagogie peut permettre aux étudiants d'approfondir leur compréhension de questions complexes et d'encourager un comportement responsable et coopératif. La question centrale est la suivante : comment les EC peuvent-ils préparer les futurs managers soucieux du respect des ODD de façon générale et des Communs en particulier ?
Questions clés pour ce sous-thème :
1. Perception et valeur des Communs : Quelle est la valeur reconnue des biens communs et comment les étudiants et les enseignants perçoivent-ils cette valeur ? Comment ces acteurs de l'éducation envisagent-ils la gestion des biens communs en termes de durabilité, qu'elle soit environnementale, sociale, culturelle ou économique ?
2. Pédagogie et formation des EC : Quels sont les thèmes spécifiques liés aux Communs qui devraient être inclus dans les programmes d'enseignement ? Dans quelle mesure l'enseignement des biens communs nécessite-t-il une approche pédagogique unique ? Comment former les enseignants-chercheurs à comprendre et à communiquer les nuances de la gestion des Communs ?
3. Engagement et identité des étudiants : Comment appréhender l’étudiant lors de l’enseignement des Communs : uniquement en tant que futur manageur ou d'une manière plus holistique qui inclut ses responsabilités de citoyen ? Comment les programmes d'études peuvent-ils favoriser la réflexivité critique chez les étudiants, en les encourageant à considérer les biens communs d'un point de vue critique ?
4. Participation citoyenne et compétences collaboratives : Comment l'expérience éducative peut-elle être étendue au-delà de la salle de classe pour impliquer activement les étudiants et les enseignants dans la vie communautaire et la vie de la ville autour de la gestion des Communs ? Quelles stratégies les enseignants-chercheurs peuvent-ils employer pour encourager les étudiants à collaborer à des projets qui impliquent la gestion collective de ressources partagées ?
Les Communs dans les organisations : le management par le care
Dans le contexte sociétal actuel de nécessaire transformation des paradigmes dominants, les politiques diversité et inclusion ne sont pas toujours en faveur de la défense du bien commun. En catégorisant les personnes excessivement ou sur des critères peu pertinents, ces politiques conduisent à recréer les effets qu’elles dénoncent : discrimination, conflits intergroupes, autocensure, exclusion, etc. À ce point que certains auteurs conditionnent leur bien-fondé à la condition que les politiques de diversité soient associées à un principe de coopération indispensable à leur réussite (Frémeaux, 2022). En guise d'alternative, le "management par le care" incite à prendre en compte la vulnérabilité et l'interdépendance humaines, en englobant des aspects tels que la sollicitude, la responsabilité, l'accompagnement et la capacité à recevoir ce care.
Questions clés pour ce sous-thème :
1. Diversité, inclusion et respect des Communs : dans quelle mesure les démarches de diversité et d'inclusion garantissent-elles le respect des Communs ?
2. Politiques d’inclusion et de diversité au sein des établissements d'enseignement supérieur et défense des biens communs : Comment les établissements d'enseignement intègrent-ils la défense des biens communs dans leurs politiques de diversité et d'inclusion ?
3. Le paradigme de la gestion par le care : Comment le management par le care répond-il à la nécessité de préserver les Communs positifs et de lutter contre les Communs négatifs ?
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Ce thème n’exclut pas des communications sur les trois axes de travail plus généraux du groupe de recherche MACCA Management :
➔ le premier axe, en référence aux mutations économiques et sociales, questionne l’apprentissage et l’enseignement du management aujourd’hui pour encourager la réflexivité et la créativité dans les organisations ;
➔ le deuxième axe propose un examen des outils (par exemple, les outils ludopédagogiques, les Art-based methods, etc.), des supports de l’apprentissage (numérique, expérience, etc.), et des nouvelles approches (par exemple, neuropédagogie), comme moyen de développer la réflexivité et la créativité des apprenants tout au long de la vie ;
➔ le troisième axe questionne le positionnement des institutions (écoles, mais aussi organisations au sens large) par rapport aux questions soulevées dans les deux axes précédents.
Mots-clés : Enseignement du management – Réflexivité – Communs – Territorialité – Management par le care
