La performance des institutions de microfinance se décline en deux composantes : une composante financière et une composante sociale. Dans cet article nous cherchons à comprendre les pratiques des IMFs à travers l’étude des déterminants de la dérive de mission dans le contexte marocain. Plusieurs chercheurs ont abordé cette question (désignée par « mission drift » dans la littérature) via des designs quantitatifs en déterminant les différentes variables l’expliquant. Notre objectif dans ce papier consiste à tester ces déterminants (enrichis préalablement par d’autres déterminants de contexte issus d’une étude qualitative exploratoire) sur le terrain de la microfinance marocaine. Notre design méthodologique privilégie une démarche mixte ; une étude qualitative exploratoire portant sur six IMFs distinguées en deux catégories : celle des grandes IMFs et celle des petites (au nombre de trois chacune) dont nous avons analysé les données sur une période de 5 ans de 2013 à 2017, et une enquête quantitative portant sur 120 clients distribués entre les deux catégories. Les résultats de la recherche montrent, entre autres, que les IMFs de grande taille sont plus sujettes à la dérive de mission que les IMFs de petite taille. En effet, les IMF de grande taille s’éloignent de plus en plus des principes de base de la microfinance solidaire et dérivent vers une logique de finance de marché. Elles s’orientent vers l’octroi de prêts individuels ciblant des clients moins pauvres, jugés moins coûteux et relativement plus rentables et s’implantent sur des territoires plus accessibles pour optimiser leurs coûts de transaction. Ces constats se vérifient moins chez les petites IMF qui revendiquent leur attachement à leur orientation sociale et ce malgré les difficultés qu’elles ont à se maintenir en situation de viabilité.