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Jrad Amal, Chtourou Wafi, Hussler Caroline

Longtemps oubliée, l’innovation managériale est l’objet d’une attention grandissante de la communauté académique depuis quelques années (Mignon et al., 2017). Elle consiste en l’adoption de « nouveaux programmes et pratiques affectant la stratégie, la structure, les processus managériaux et la prise de décision … afin de modifier le système administratif et le travail de gestion de l’entreprise adoptante et d’améliorer son efficacité et son efficience » (Damanpour et al., 2018 : 713). La bureaucratie wébérienne, l’attribution stricte des tâches, la formalisation et la hiérarchie ont donné naissance à des entreprises publiques qui souffrent précisément d’un manque d’efficacité et d’efficience (Snijkers, 2006). Dès lors, les entreprises de ce secteur n’échappent pas à cette vague de transformation qui semble répondre à leur besoin de dépasser ces modèles décisionnels devenus non adaptés (Bartoli et Baltrix, 2015). Pourtant, les travaux existants ont mis en évidence de nombreux freins à l’adoption des innovations managériales dans les entreprises publiques (Arnaboldi et al., 2010). Parmi eux, le facteur humain constitue un obstacle majeur dans ce secteur (Torugsa et Arundel, 2017) : la résistance au changement des individus (Osborne et Brown, 2005), leur aversion au risque (Brown et Osborne, 2013), ou encore le caractère coercitif des décisions (Arnaboldi et al., 2010) sont générateurs de difficultés à chaque phase du processus d’adoption des innovations managériales. Bien que grandissante, cette littérature propose une vision simplifiée de l’adoption de l’innovation managériale et de ses freins. La majorité des travaux traitent des barrières humaines comme étant communes à l’ensemble des ressources humaines (Wagner et al., 2011). De plus, ils supposent que les Top-Managers définissent les orientations stratégiques, tandis que les Middle-Managers les mettent en œuvre dans un cadre structurel défini (Burgelman, 1996). Or, Hoon (2007) montre que les pratiques interactionnistes entre ces niveaux managériaux facilitent la prise de décision stratégique dans les entreprises publiques. L’adoption d’une innovation relevant d’une décision stratégique (Kannan-Narasimhan et Lawrence, 2018 ; Gandia et Tourancheau, 2015), il nous semble dès lors intéressant d’étudier la place et l’influence des pratiques interactionnistes entre les Top-Managers et les Middle-Managers dans l’adoption d’innovations managériales. Dans le présent article, nous proposons donc de dépasser les limites identifiées dans la littérature en adoptant une approche Strategy-as-Practice. Si quelques travaux sur l’innovation managériale se penchent déjà sur les pratiques (Dubouloz, 2014), ils adoptent surtout une vision résolutive, oubliant alors le potentiel générateur de difficultés de certaines pratiques à l’œuvre. Par ailleurs, très peu d’entre eux clarifient l’identité et le rôle des praticiens et de leurs interactions dans la dynamique d’adoption, à l’exception de la contribution récente de Kannan-Narasimhan et Lawrence (2018) qui ne porte cependant pas sur des innovations managériales. Etudier les pratiques interactionnistes entre les Top-Managers et les Middle-Managers permettra, d’une part, de saisir l’origine et la persistance des barrières humaines à l’adoption de l’innovation managériale dans les entreprises publiques, mais aussi d’identifier des pistes pour les dépasser. La complémentarité/antagonisme entre ces pratiques et leurs effets sur les barrières seront plus particulièrement examinés. Nous offrirons alors de nouvelles pistes aux managers des entreprises publiques pour stimuler l’adoption d’innovations managériales.