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Goy Hervé

Depuis plus de vingt années maintenant, les approches classiques de formation des stratégies sont battues en brèche. Ces approches partagent un point commun : elles se fondent sur une perspective rationaliste de formation des stratégies, mise à mal ces dernières décennies par la lecture décliniste d’Henry Mintzberg, l’essor du courant de la strategy-as-practice, l’expansion des paradigmes entrepreneuriaux ou bien encore le développement des approches dites « critiques » de la stratégie. Par cette contribution théorique, nous n’entendons pas alimenter de controverse au bénéfice ni au détriment d’une école de pensée en particulier, mais nous formulons la problématique suivante : pourquoi la perspective rationaliste de formation de la stratégie a-t-elle été mise à mal depuis une vingtaine d’années ? À notre sens, c’est moins du côté de la concurrence d’approches alternatives (post-rationnelles ou critiques) que du constat d’effacement de l’idée d’avenir qu’il faut rechercher une piste de réponse. Notre contribution se voulant ici théorique, nous défendons pour ce faire la thèse suivante : le moteur des approches conventionnelles de formation des stratégies, traditionnellement alimenté par la capacité à configurer un avenir désirable et crédible, est tombé en panne. Nous montrons brièvement pour commencer que la question du rapport à l’avenir est au cœur d’un corpus classique de la formation des stratégies malmené depuis plus de 25 ans. Nous défendons ensuite l’idée selon laquelle la crise de l’avenir constitue une explication à la remise en cause des approches conventionnelles de formation des stratégies. Nous nous attardons plus particulièrement sur l’opposition des idées de progrès et d’innovation en matière de sens donné au rapport à l’avenir, avant de proposer que l’innovation ne peut en l’état se substituer au progrès pour alimenter la perspective rationaliste de formation des stratégies. Cette thèse nous conduit finalement à poser la question de la métaphysique du rapport à l’avenir, invitant à privilégier le « temps du projet » au « temps de l’histoire ».