Auteur
Violeta BAJENARU
Résumé
A la fin des années 80, nous avons assisté à l’ouverture d’un processus unique de transformation de l’entreprise socialiste.
Toute démarche pour comprendre la transformation organisationnelle d’une entreprise dans les pays en transition passe obligatoirement par une analyse du fonctionnement de l’ancienne entreprise socialiste. L’entreprise socialiste n’est pas simplement une entreprise publique, mais également une entité à plusieurs fonctions (fournisseur de services sociales ou contrôle). La transformation de l’entreprise socialiste n’implique pas seulement un simple transfert des actifs, mais des changements beaucoup plus profonds. Avant tout, la restructuration implique un changement des mentalités et des attitudes envers le profit, l’efficacité, etc. et l’accumulation des nouvelles compétences.
Les stratégies de restructuration de l’entreprise socialiste devaient prendre en considération la complexité des phénomènes dans les pays en transition. La restructuration s’était faite par des hommes avec leur vécu communiste, suivant les conseils des experts occidentaux, souvent sans des connaissances solides sur le fonctionnement de l’ancienne entreprise socialiste et sur le contexte socio-économique.
Ainsi, dans une première partie, nous analyserons la spécificité de l’entreprise socialiste. Nous viserons à révéler, à côté de la fonction productive, les autres aspects (de fournisseur des services sociales et de contrôle) qui n’en sont pas les moins importants. La conséquence directe du fait que l’entreprise socialiste soit le principal fournisseur de services sociaux, risque de mécontenter les ouvriers qui sont dépourvus de ces services gratuits et n’ont pas les moyens de se les procurer autrement. Par conséquent ils se trouvent souvent dans une position de blocage vis-à-vis de toute démarche de restructuration.
Dans une deuxième partie nous verrons le rôle du manager et des salariés dans le processus de restructuration. Nous commençons donc à montrer ce que devait être un bon dirigeant socialiste. Dans le contexte d’une économie planifiée, le comportement des managers non conformistes et inventifs était qualifié de négatif et allant contre l’intérêt général. Par conséquent la restructuration des entreprises doit débuter avant tout, avec un changement des mentalités et des référentiels des managers.
A coté des managers, les salariés mettent eux aussi leurs empreintes sur la qualité de la restructuration. Ayant perdu tous les privilèges du socialisme (services médicaux, éducation, logements gratuits), les salariés se coalisent et s’opposent souvent à toute tentative de restructuration. Les relations direction/syndicats semblent alors primordiales pour le processus d’élaboration des stratégies au sein des entreprises anciennement socialistes.
L’analyse du comportement des managers et salariés est très utile car elle peut expliquer l’échec partielle des tentatives de restructuration de l’ancienne entreprise socialiste, dans certains pays. Il a été décidé de mettre en place des stratégies actives alors que les acteurs censés les servir s’en révélaient à beaucoup d’égards, incapables, incompétents ou réticents.
Auteur
Didier Chabaud
Résumé
Ce papier étudie l'impact du contexte institutionnel sur les stratégies d'organisation du travail dans l'industrie automobile américaine. Alors que les pratiques participatives d’organisation du travail ont généralement été présentées comme un mécanisme de coordination efficace et promis à une généralisation rapide, nous montrons que leur mise en oeuvre dans l'industrie automobile américaine a été lente et partielle. Une explication institutionnaliste - dans la lignée de D.C. North - est proposée qui souligne le rôle du système de relations professionnelles américain dans la faible diffusion des pratiques participatives sur la période 1980-1995.
Auteur
Stefka MIHAYLOVA
Résumé
Dix ans après la chute du système communiste la situation économique en Bulgarie n’est pas améliorée. L’explication de cette constatation est cherchée dans les comportements des entreprises contraintes à créer la richesse nationale du pays. L’absence d’une évolution satisfaisante est considérée comme un problème provenant de l’intérieur de ces entreprises. : de fautes dans leur organisation et de non cohérence des comportements de différents groupes d’acteurs. Ce problème est analysé sous angle de la théorie de la régulation. A l’égard de l’entreprise en transition deux formes essentielles de régulation ont été découvertes : le compromis inégalitaire imposé par l’encadrement et le consensus construit dans un processus de négociation avec la participation de tous les membres de l’entreprise.
Abstract
Ten years after the fall of the communiste system the economic situation in Bulgaria hasn’t improuved yet. The explication of this inference is to be searched in the performance of the entreprises restained to creat the national wealth of the country. The absence of satisfactory evolution is considered as a problem coming from the interior of these entreprises - faults on the organization and lake of co-ordination in the performance of the different groups of agents. This problem is analysed from the point of view of the theory of regulation. Two essential forms of regulation, concerning the entreprise in transition, have been discovered : the inequal compromise imposed by the managerial staff and the consensus sreated in a process of negociation with the participation of all the members of the entreprise.
Auteur
Alain Anquetil
Résumé
Les exposés de la stratégie d’une entreprise évoquent souvent une vision ou une attitude « juste » vis-à-vis des situations, des problématiques ou de l’avenir.
Cet article porte sur la notion d’« attitude juste ». Il vise à clarifier et délimiter le champ de cette notion, à apporter des éléments utiles à la compréhension de ses caractéristiques psychologiques et de ses effets comportementaux, et à en tirer des enseignements au niveau de l’entreprise. Il s’appuie sur des travaux empiriques sur la manière dont deux cadres d’entreprise ont pris une attitude juste dans des situations difficiles ayant des implications stratégiques.
A partir de leur analyse, je propose trois conceptions de la notion d’attitude juste. Selon la première, normative, avoir une attitude juste, c’est conformer ses jugements et ses actions à des principes dont nous reconnaissons qu’ils ont de l’autorité sur nos projets et nos actions.
Selon la seconde, perceptive, c’est avoir une certaine qualité de perception des choses et des personnes, qui génère une définition adéquate de la situation. Voir clairement la réalité suppose un effort d’attention et un recours à l’imagination, ainsi que l’identification des fausses croyances, auto-illusions, complaisances et autres éléments perturbateurs du moi.
La troisième conception, liée à la vie bonne, considère l’attitude juste comme un état de cohérence entre la conception du genre de vie qu’une personne souhaite mener et ses actions. Je suggère ici un rapprochement avec certaines des thèses de l’éthique de la vertu, l’un des courants de la philosophie morale normative. L’attitude juste sera alors celle prise par une personne vertueuse dans une situation de choix.
Le premier cas étudié montre que la personne ne parvient pas initialement à prendre l’attitude juste au sens perceptif, ce qu’elle finit par réussir en réfléchissant à ses valeurs et en cherchant une « ouverture sur la vie ». Dans le second, l’attitude de la personne exprime clairement sa propre conception de la vie bonne.
Leurs deux attitudes se rapportent à des conceptions et des réflexions individuelles sur la notion de « vie bonne ». Ceci soulève deux questions : celle de la nature de la « bonté », qui peut se référer à une forme d’épanouissement personnel ou à un bien objectif ; celle de la nature pratique de la réflexion sur le sens de la vie.
Des enseignements peuvent être tirés au niveau d’une entreprise. Si la vision invoquée dans l’exposé de sa stratégie est interprétée comme le résultat de sa propre « conception de la vie bonne », cette interprétation suppose en arrière-plan le même genre d’exigences que celles impliquée par toute réflexion individuelle sur le sens de la vie. Or, ces exigences vont au-delà de la simple expression d’objectifs ou d’orientations. La définition elle-même de ces exigences pose problème, et c’est là certainement l’un des aspects importants des réflexions actuelles sur la responsabilité sociale des entreprises.
Auteur
Olivier Babeau
Résumé
L’article propose une approche des mécanismes de formation des déviances en entreprise et des moyens de les désamorcer.
Les scandales financiers récents ont montré à plusieurs reprises comment une organisation pouvait être amenée à développer des conduites massivement non-éthiques alors même que la plupart des acteurs étaient individuellement honnêtes.
Nous proposons d’expliquer cette apparente contradiction au moyen de la théorie des cascades informationnelles utilisée par André Orléan pour décrire les phénomènes spéculatifs. Selon celle-ci, l’interaction sociale peut, sous certaines conditions, produire des dérives cognitives cumulatives qui mènent à l’adoption d’un comportement collectif contraire à l’opinion des individus pris un à un. La caution apportée à des agissements malhonnêtes par des acteurs pourtant individuellement soucieux d’éthique pourrait s’expliquer ainsi.
Le conte d’Andersen Les habits neufs de l’empereur est une magnifique illustration du mécanisme de cascade informationnelle et du moyen de le désamorcer. En effet, l’histoire montre que la spirale cognitive qui permet la déviance de l’organisation peut être brisée de manière très simple, par l’intervention d’un seul tireur d’alarme. L’article apporte ainsi un élément de démonstration du rôle fondamental de celui-ci dans la prévention et la dénonciation des déviances organisationnelles.
Auteur
Emmanuelle CAPPE
Résumé
Wenger identifie « un groupe d’individus qui partage un intérêt, un ensemble de problèmes ou une passion pour un sujet et qui approfondit ses connaissances et son expertise dans ce domaine en interagissant de manière continue » comme étant une communauté de pratique. Notre étude vise à détecter les prémices de l’émergence de tels groupes afin que l’entreprise puisse avoir une vision des évolutions organisationnelles potentielles. Cela lui permettra de pouvoir anticiper son management. Il lui sera ainsi possible d’accompagner le développement de ce que nous appelons ici « graine de communauté de pratique » afin de chercher à faciliter l’aboutissement à une communauté de pratique.
Pour ce faire, nous avons dans un premier temps exploré les concepts formalisés par Wenger pour définir une communauté de pratique, afin d’en déduire des critères d’identification de graine. Nous avons ensuite cherché à tester cet outil sur le terrain, une PME de micro électronique. A ce titre nous avons élaboré un processus méthodologique d’identification des graines dont nous détaillons la mise en œuvre afin d’offrir une vue précise de son déroulement. Enfin, nous présentons les premiers résultats obtenus : l’identification de six graines de communauté de pratique qui apparaissent comme pertinentes pour les membres potentiels comme pour l’entreprise.
Auteurs
Stéphanie Dameron
Emmanuel Josserand
Résumé
L’objectif de cet article est de construire un cadre d’analyse des logiques sous-jacentes à la dynamique des communautés des pratiques. En adoptant une perspective processuelle, cette recherche montre comment une communauté peut être bloquée ou au contraire se développer. Pour cela nous utilisons une grille de lecture construite à partir de la dualité entre la participation et la réification introduite par Wenger (1998). Nous mettons également en évidence les dimensions fondamentales qui composent cette dualité.
Cette recherche est de nature exploratoire, elle est fondée sur une étude de cas longitudinale, celle d’un réseau de chirurgiens dentistes. Ce réseau aspire à construire une communauté de pratiques entre ses différents membres. L’étude de la littérature sur la dynamique de construction des communautés de pratique révèle à la fois le manque de données empiriques sur ce thème et l’intérêt d’une mise en perspective de la dialectique participation-réification pour analyser le processus de construction d’une communauté. Les données sont collectées grâce à deux séries d’entretiens, l’observation de la communauté durant plus de deux ans, et des études sociométriques tout au long du processus.
La structuration de la communauté de pratiques étudiée s’avère être un phénomène bien plus complexe que celui suggéré par le modèle du cycle de vie. Elle est générée par la tension entre participation et réification, et suit un processus dialectique. Trois phases sont repérées, chacune marquant un équilibre spécifique entre participation et réification. Cet équilibre est dépendant de l’histoire de la communauté de pratiques ainsi que de facteurs contextuels tant internes qu’externes. La dualité de la participation et de la réification construit le capital social de la communauté. Ce capital est composé de trois dimensions : la relation identitaire, affective et fonctionnelle. Le développement harmonieux d’une communauté de pratique impose un certain équilibre entre ces trois formes de lien social.
Auteur
GARDES ERIZE Nathalie
Auteur
PREVOT Frédéric
Résumé
Cet article présente les résultats d’une étude menée auprès de 121 filiales de multinationales américaines au Brésil. Nous établissons une typologie des méthodes de transfert de connaissances par les multinationales vers leurs fournisseurs locaux. Chacune des méthodes identifiées est analysée en fonction des objectifs de transfert et des outils utilisés pour sa réalisation. Quatre méthodes principales sont définies.
La méthode modérée a pour caractéristiques un engagement réciproque (de la part de l’émetteur et du récepteur du transfert) faible, ainsi qu’une faible maîtrise du transfert et une faible maîtrise de l’informel par l’émetteur. Les objectifs et les outils associés à cette méthode se limitent à ceux communs à l’ensemble des méthodes.
La méthode relationnelle est caractérisée par un engagement réciproque et une maîtrise de l’informel élevés et par une maîtrise du processus de transfert plus limitée. Les objectifs spécifiques sont l’amélioration des connaissances de l’émetteur par effet en retour, la création de connaissances en commun, ainsi que la création de relations spécifiques et l’utilisation du transfert comme moyen de mise en œuvre d’objectifs stratégiques. Les outils sont des rencontres face à face régulières, du travail en équipe et, éventuellement, des formations et des audits-conseil.
La méthode technique s’oppose à la précédente, avec un engagement réciproque et une maîtrise de l’informel modérés mais avec une maîtrise du processus de transfert élevée. Les objectifs sont la création de relations spécifiques, la mise en œuvre d’objectifs stratégiques et, éventuellement, la définition d’une stratégie de management de réseau. Les outils utilisés sont majoritairement des documents, des formations, des audits-conseil et le recours à un système d’information en commun.
La méthode complète est caractérisée par un fort engagement réciproque et par une maîtrise de l’informel et du processus de transfert élevées. Elle vise à servir l’ensemble des objectifs identifiés et utilise une palette complète d’outils.
Auteur
Julie TIXIER
Résumé
La firme multinationale (FMN) et les relations intra-organisationnelles entre les filiales et la maison-mère ont donné lieu à de nombreux travaux. La spécificité des FMN réside dans le fait qu’elles sont soumises à un problème dual : d’un côté elles doivent gérer la firme dans son ensemble et donc mettre en place des outils d’intégration, de l’autre elles subissent les pressions des environnements locaux et institutionnels et adaptent ces mêmes outils. C’est ce que Kostova et Roth (2002) désignent par le concept de ‘dualité institutionnelle’, concept central de notre recherche.
Les FMN ont la particularité de gérer un ensemble d’entités disparates et réparties géographiquement, ce qui est le cas du groupe Rexel, la FMN que nous avons étudiée. Le groupe Rexel a suivi une stratégie de développement essentiellement fondée sur une croissance externe et a alors mis en place un certain nombre d’outils d’intégration déclinés aux différentes fonctions de l’organisation. Nous nous sommes intéressée aux outils d’intégration dédiés à la gestion des ressources humaines. Dans le cadre de notre analyse, nous nous concentrons sur le système d’information ressources humaines (SIRH) car cet outil permet de fédérer l’ensemble des modes d’intégration précités de gestion des ressources humaines du groupe. C’est dans ce cadre que s’inscrit la problématique suivante : Dans quelle mesure les relations des filiales à la maison-mère au travers d’un SIRH sont-elles soumises à une dualité institutionnelle ?
Pour répondre à cette problématique, une analyse de la littérature sur les relations filiales – maison-mère au sein des FMN a été effectuée, pour ensuite se tourner vers les SIRH. Ces revues de la littérature sont étayées par la présentation du cas Rexel. La méthodologie utilisée repose sur quatre études de cas réalisées auprès de filiales européennes du groupe Rexel (filiales britannique, belge, espagnole et italienne). L’étude approfondie des ‘usages managériaux’ du SIRH par les filiales fournit des éléments d’analyse pertinents. Les quatre études de cas montrent clairement des ‘usages managériaux’ différenciés du SIRH, ce qui renforce l’hétérogénéité des modes de gestion des filiales par la maison-mère. Ce résultat met en exergue le concept de dualité institutionnelle et la double pression subie par les filiales. La perception de la pression du siège semble alors varier en fonction des filiales. Le paradoxe de la gestion de la FMN se trouve exacerbé lors de l’implantation du SIRH. L’évolution de la nature même de la relation filiales - maison-mère lors de l’implantation du SIRH, vers plus de flexibilité, constitue un résultat radicalement différent des résultats issus de la littérature.