AIMS

Index des auteurs > Grimand Amaury

Grimand Amaury

Auteur

Amaury GRIMAND

Résumé

Les organisations comme toute communauté humaine véhiculent des récits imaginaires, des formes symboliques et sont imprégnées de références mythiques (Cabin, 1999). Pour autant, si une vision de l’organisation comme ordre symbolique est aujourd’hui couramment admise, force est d’admettre que peu de travaux, à l’exception notable de ceux de James G. March (1999, 2003) se sont penchés sur la fonction sociale de ces mythes gestionnaires, tout en tentant d’en démonter les ressorts profonds et de travailler à leur déconstruction.

Depuis le début des années 1990, le succès des travaux dédiés à la gestion des connaissances ne s’est pas démenti. Ce mouvement embrasse à la fois une production de discours, un ensemble hétérogène de pratiques, une instrumentation de gestion abondante, tout en ayant institué un champ de recherche à part entière. Dans le champ du management stratégique, un certain nombre de travaux, dans le prolongement de la Resource-Based View (Wernefelt, 1984) ou de l’approche par les compétences fondamentales (Hamel et Prahalad, 1994) ont montré la contribution des connaissances tacites à la compétitivité des firmes au point d’y voir les prémisses d’une nouvelle théorie de l’avantage concurrentiel (Grant, 1996). Ce champ est aujourd’hui incontestablement doté de la plupart des attributs qui fondent une « mode managériale » selon la conceptualisation opérée par Abrahamson (1996, 1999). La littérature académique dédiée au Knowledge Management a ainsi connu une croissance exponentielle sur la période récente, attestant de l’autonomisation et de l’institutionnalisation progressive du champ. Ce discours sur le Knowledge Management est également porté et légitimé par des gourous et les récits héroïques des entreprises pionnières. Aux yeux de certains chercheurs (Scarbrough et Swan, 2001b ; Raub et Rüling, 2001), le Knowledge Management constituerait de fait un objet d’investigation idéal pour appréhender et décrire les figures de la rhétorique managériale.

C’est à cet effort d’investigation que nous invitons dans cet article. Nous questionnons dans un premier temps la fonction sociale des mythes, et de ce qu’il est convenu d’appeler à la suite de March (1999) les mythes du management et les mythes gestionnaires. Nous en détaillons 4 formes récurrentes qui traversent le champ des sciences de gestion : le mythe de la rationalité, le mythe de la hiérarchie, le mythe du leader individuel, le mythe de l’efficience historique (§1). Nous proposons alors un essai de déconstruction des figures du langage mythique empruntant à la philosophie de Roland Barthes. Cette investigation nous permet de dégager 7 figures principales du langage mythique à l’œuvre dans la diffusion du Knowledge Management : la vaccine, la privation d’histoire, le ninisme, l’identification, la tautologie, le constat, la quantification de la qualité (§2). Par delà l’exercice de style, nous entendons alerter sur la part de mystification à l’œuvre dans le discours institutionnel sur la gestion des connaissances et ses conséquences induites dans le champ de la pratique au travers de retours d’expérience parfois décevants.