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Anquetil Alain

Auteur

Alain Anquetil

Résumé

Les exposés de la stratégie d’une entreprise évoquent souvent une vision ou une attitude « juste » vis-à-vis des situations, des problématiques ou de l’avenir.

Cet article porte sur la notion d’« attitude juste ». Il vise à clarifier et délimiter le champ de cette notion, à apporter des éléments utiles à la compréhension de ses caractéristiques psychologiques et de ses effets comportementaux, et à en tirer des enseignements au niveau de l’entreprise. Il s’appuie sur des travaux empiriques sur la manière dont deux cadres d’entreprise ont pris une attitude juste dans des situations difficiles ayant des implications stratégiques.

A partir de leur analyse, je propose trois conceptions de la notion d’attitude juste. Selon la première, normative, avoir une attitude juste, c’est conformer ses jugements et ses actions à des principes dont nous reconnaissons qu’ils ont de l’autorité sur nos projets et nos actions.

Selon la seconde, perceptive, c’est avoir une certaine qualité de perception des choses et des personnes, qui génère une définition adéquate de la situation. Voir clairement la réalité suppose un effort d’attention et un recours à l’imagination, ainsi que l’identification des fausses croyances, auto-illusions, complaisances et autres éléments perturbateurs du moi.

La troisième conception, liée à la vie bonne, considère l’attitude juste comme un état de cohérence entre la conception du genre de vie qu’une personne souhaite mener et ses actions. Je suggère ici un rapprochement avec certaines des thèses de l’éthique de la vertu, l’un des courants de la philosophie morale normative. L’attitude juste sera alors celle prise par une personne vertueuse dans une situation de choix.

Le premier cas étudié montre que la personne ne parvient pas initialement à prendre l’attitude juste au sens perceptif, ce qu’elle finit par réussir en réfléchissant à ses valeurs et en cherchant une « ouverture sur la vie ». Dans le second, l’attitude de la personne exprime clairement sa propre conception de la vie bonne.

Leurs deux attitudes se rapportent à des conceptions et des réflexions individuelles sur la notion de « vie bonne ». Ceci soulève deux questions : celle de la nature de la « bonté », qui peut se référer à une forme d’épanouissement personnel ou à un bien objectif ; celle de la nature pratique de la réflexion sur le sens de la vie.

Des enseignements peuvent être tirés au niveau d’une entreprise. Si la vision invoquée dans l’exposé de sa stratégie est interprétée comme le résultat de sa propre « conception de la vie bonne », cette interprétation suppose en arrière-plan le même genre d’exigences que celles impliquée par toute réflexion individuelle sur le sens de la vie. Or, ces exigences vont au-delà de la simple expression d’objectifs ou d’orientations. La définition elle-même de ces exigences pose problème, et c’est là certainement l’un des aspects importants des réflexions actuelles sur la responsabilité sociale des entreprises.