AIMS

Dontenwill Emmanuelle, Reynaud Emmanuelle
Le rôle de l’approche par les parties prenantes dans l’initiation d’une politique de développement durable : Etude du cas d’une entreprise de transport urbain

Auteurs

Emmanuelle Dontenwill

Emmanuelle Reynaud

Résumé 

Nous ne disposons guère de concepts opératoires pour penser le développement durable dans l’entreprise. Entre la notion consensuelle et molle de développement durable et les expérimentations et normes en cours d’élaboration, les cadres théoriques permettant de structurer avec recul une réflexion de fond sur l’intégration du Développement Durable par les entreprises sont absents. Une exception cependant apparaît, la théorie des parties prenantes, très souvent associée aux questions de développement durable et de responsabilité sociale de l’entreprise. Si son vocabulaire est de plus en plus utilisé dans les rapports développement durable publiés ces deux dernières années en France suite à la loi NRE (Nouvelle Réglementation Economique), les recherches montrant, de façon explicite, en quoi l’approche par les parties prenantes permettrait d’initier une politique de développement durable, font encore défaut.

L’approche par les parties prenantes, est-elle toujours positive ou bien au contraire entrave-t-elle ou ralentit-elle la mise en place d’une politique de développement durable ?

Cet article tente d’apporter des premiers éléments de réponse à cette différente question. Il s’agit d’étudier le rôle (positif mais aussi négatif) de l’approche par les parties prenantes dans la formulation d’une stratégie de développement durable. Le cas d’initialisation d’une politique de développement durable dans une entreprise exploitant un réseau de transport urbain est étudié.

Dans le cadre particulier de l’entreprise de transport public étudiée, l’approche par les parties prenantes a eu pour vertus d’incarner les intérêts économiques, sociaux et environnementaux, les trois piliers du Développement Durable. Cette approche paraît donc pertinente pour effectuer un diagnostic préalable à la formulation d’une stratégie de développement durable.

La considération des parties prenantes a par ailleurs eu le mérite de mettre en évidence les blocages et d’aborder la délicate question de la concertation, du dialogue et de la participation. La méthodologie la plus efficace pour lever ses blocages et initier une politique de développement durable peut donc être choisie.

Elle met également au jour la complexité des imbrications des acteurs développement durable sur un territoire donné, à propos d’une problématique particulière, celle de la « mobilité durable » de ses habitants.

Par ailleurs, elle permet de questionner en amont la vocation même de l’entreprise en tant que partie prenante dans une société et un environnement naturel et propose un modèle plus humain de l’entreprise.

Cependant, cette approche est lourde à mettre en œuvre et ralentit la formulation de la stratégie du fait de la prise en compte d’un grand nombre de parties prenantes et rendant du coup l’approche plus paralysante qu’opératoire.

En outre, le caractère « socio-centré » de l’approche parties prenantes place la Nature au second plan derrière l’homme et risque de négliger le pilier environnemental du développement durable.

De même, son caractère « firmo-centré » tend à placer l’entreprise au cœur de la problématique alors qu’elle peut se situer parfois à la périphérie et jouer un rôle secondaire. Ce constat dépasse donc le champ d’action de l’entreprise et invite à une prise en compte conjointe du développement durable par les pouvoirs publics, les collectivités territoriales et le monde économique.

Enfin, sans considérations éthiques, l’approche « parties prenantes » peut devenir un outil de manipulation. Or le développement durable perd beaucoup de son esprit et de son souffle lorsqu’il est réduit à une instrumentalisation.

A l’issue de ce bilan apports/limites, il ressort que l’approche partie prenante offre un intéressant outil de diagnostic pour initier une stratégie de développement durable, en revanche elle n’est pas suffisamment opératoire pour résoudre les difficultés qu’elle met au jour (à savoir le dépassement des conflits d’intérêts qu’incarnent voire exacerbent la prise en compte des revendications des parties prenantes).