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Marais Magalie

La récente crise financière a questionné les modèles de développement des entreprises et notamment la place et le rôle de ces dernières au sein de la société. Dans ce contexte, les décideurs stratégiques sont désormais contraints de répondre à des pressions contradictoires : celles de leurs parties prenantes contractuelles, et notamment celles de leurs actionnaires, mais également celle des parties prenantes entendues au sens large. Un mouvement de glissement d’une gouvernance actionnariale vers une gouvernance partenariale apparaît. Cette évolution de la gouvernance cristallise l’appel à une responsabilité des acteurs accrue quant à la prise en compte des attentes sociétales. Ce papier tente de capturer, au sein de cette évolution, l’influence du volontarisme managérial. L’importance de l’espace discrétionnaire des hauts dirigeants sera notamment questionné au sein de modèles de gouvernance spécifiques et les conséquence de celui-ci en matière d’engagement stratégique socialement responsable. Nous avons mener une étude exploratoire qualitative en contexte français auprès de dix-neuf dirigeants de grandes entreprises françaises. Nos résultats font ressortir l’importance du déterminisme des systèmes de gouvernance sur la définition de la marge de manœuvre des dirigeants ainsi que sur l’engagement socialement responsable des entreprises. Ainsi, une configuration de gouvernance patrimoniale traditionnelle serait la plus à même de supporter un engagement socialement responsable substantiel du fait de l’horizon stratégique de long terme et des liens professionnels unissant dirigeants et actionnaires qu’elle favorise. Dans une configuration de marché financier, les dirigeants sont réhabilités dans leur espace discrétionnaire a priori et l’importance de leurs préférences personnelles revalorisée quant au façonnement des choix stratégiques de l’organisation. Leur influence est cependant limitée par un contrôle par le marché a posteriori conséquent. Une configuration de gouvernance patrimoniale moderniste, enfin, limiterait, elle, la marge de manœuvre des dirigeants et les possibilités d’engagement socialement responsable de l’entreprise du fait des pressions financières de court terme qu’elle met en scène. Cependant, au-delà du déterminisme, des espaces de liberté stratégiques existent et peuvent être utilisés par les dirigeants au cours du temps mais aussi créés tout au long de leur parcours dans l’organisation Cette liberté n’est pas absolue au sens où des contraintes existent sans pourtant que le choix d’action soit éradiqué en termes d’univers des « possibles » et ce, quel que soit le champ des anticipations. La nature de l’action des dirigeants nécessite alors de questionner leur paradigme personnel et notamment leurs référentiels éthiques. La marge de manœuvre des dirigeants semble ainsi façonnée entre pouvoir et possibilité de choix, entre ambitions personnelles et intérêts de l’organisation, des actionnaires et de la société (contre-pouvoirs multiples). La reconnaissance de la responsabilité des acteurs dans des systèmes de gouvernance peu enclins à des préoccupations socialement responsable pourrait notamment conduire à reconnaître les bien-fondés d’un « opportunisme managérial socialement responsable».