L’objet de cette contribution, qui a un caractère exploratoire, est de clarifier les tensions que connaît un chef de projet entre divers modes d’action tout au long du déroulement d’un projet. Il s’agit d’identifier les différents modes mais aussi de comprendre les possibilités de changements de mode et leurs pertinences afférentes. La littérature en sciences de gestion nous propose d’appeler cette tension entre deux modes d’action : l’ambidextrie. Deux types d’ambidextrie éclairent particulièrement selon nous la situation des chefs de projet : une ambidextrie au sens de March (1991) qui renvoie à la question : s’agit-il de mobiliser des compétences existantes (mode exploitation) ou au contraire d’en acquérir de nouvelles (mode exploration) ? Une ambidextrie au sens de Mintzberg (1994) qui renvoie à la question : s’agit-il de suivre le plan (mode rationalisation) ou au contraire de s’adapter pour faire face à la situation (mode adaptation) ? On se propose d’avancer dans ce débat en mobilisant le principe du pragmatisme de James (1907) à partir d’une étude de cas comparative du déroulement de deux expéditions polaires forts différentes : l’une en arctique dénommée ARC, l’autre en antarctique appelée ANT. Nous avons choisi de traiter une situation critique rencontrée par chaque chef de projet lors du déroulement de l’expédition. Les premiers résultats sont surprenants. Impossible de conclure à l’avantage d’un mode sur un autre, ou même d’un enchaînement de mode sur un autre. Par contre ce qui apparaît comme discriminant c’est la possibilité de jouer pour un chef de projet sur tous les modes et tout le long du projet. La question qui se pose alors est celui du choix du mode et de la capacité à en changer.
La codification des connaissances tacites fait l’objet de nombreux débats en matière de management des connaissances et plus particulièrement la possibilité de transformer cette connaissance en un savoir explicite. De nombreux travaux aussi bien chez les économistes comme Foray (2000) que chez les gestionnaires comme Nonaka et Takeuchi (1995) attestent que l’enjeu est considérable. Dans le même temps la question du statut théorique des connaissances implicites est posée devant les nombreuses ambigüités d’usage de cette notion dans la littérature depuis les travaux fondateurs de Polanyi (Gourlay, 2006). Pour avancer dans ce processus de clarification des connaissances implicites, nous proposons d’explorer à partir des travaux de Piaget (1974) une voie psycho-phénoménologique (Vermersch, 1996) tant sur le plan théorique que sur le plan méthodologique dans le cadre d’un programme de recherche qui s’est donné pour objet de rendre compte des pratiques singulières des acteurs en situation effective. Ainsi, il est possible de définir une connaissance tacite comme une connaissance pratique que nous considérons comme une connaissance en acte, une connaissance pré-réfléchie qui n’est pas conscientisée mais qui est conscientisable et qui peut faire l’objet via un dispositif ad hoc d’une codification écrite. In fine nous précisons les apports d’une telle perspective pour le champ de recherche en stratégie.