Le secteur du prêt-à-porter est caractérisé par une forte concurrence et instabilité qui découlent notamment de la nature même du produit, à durée de vie très éphémère selon les canons de la « mode ». La mode est un élément clé du secteur mais peut aussi s’avérer être une menace pour les entreprises, compte tenu de la volatilité des comportements d’achat. Dans ces conditions, on peut se demander quelles sont les stratégies appropriées pour faire face à un renouvellement rapide des produits. Les entreprises ont-elles intérêt à coopérer pour faire face aux instabilités de leur marché, voire les supprimer grâce à des actions concertées ? En partant du postulat qu’il existe des stratégies collectives dans le secteur du prêt-à-porter nous pourrions être tentés de répondre positivement à cette question, mais une analyse approfondie modifie ce positionnement. Les stratégies collectives semblent en effet se limiter à quelques processus organisationnels, tandis que d’autres s’inscrivent dans des logiques concurrentielles. Nous sommes ainsi en présence d’une configuration de type coopétitif qui pose la question de la co-existence de stratégies individuelles et collectives au sein d’une même filière. L’article met notamment en avant le rôle tenu par des acteurs tiers, tels que les syndicats et organismes professionnels, pouvant être perçus comme des chefs d’orchestre, dans la mise en place d’actions collectives en environnement fortement concurrentiel. Pour cela notre recherche se base sur les résultats issus d’une première série d’entretiens, nous permettant de répondre à certains de nos questionnements.
Cette contribution, basée sur une étude exploratoire de type multi-cas, vise à mettre en exergue l’intérêt d’une analyse des stratégies de coopétition par intermédiaire, à la lumière du concept de brokers de réseau (Snow et alii, 1992). Ces stratégies de coopétition sont caractérisées par l’action d’un tiers extérieur aux partenaires horizontaux dans le développement des réseaux coopétitifs (Bengtsson et Kock, 2000 ; Depeyre et Dumez, 2007). Le concept de broker nous semble pertinent pour aborder le rôle de l’acteur tiers dans la formation et le développement de réseaux coopétitifs. Nous montrons l’intérêt d’une telle approche, en nous appuyant sur l’étude de stratégies de coopétition par intermédiaire, au sein de trois secteurs : la grande distribution, l’aérospatial et le prêt-à-porter. Notre recherche est basée sur l’analyse de données qualitatives, recueillies par entretiens semi-directifs, complétées par des données secondaires provenant de revues professionnelles spécialisées. Nous mettons en évidence que l’acteur tiers peut être qualifié de broker des stratégies de coopétition en jouant le rôle de facilitateur, de coordinateur et d’architecte. Toutefois, si la méthode que nous avons choisie a permis d’identifier les différents rôles du broker dans les stratégies de coopétition, elle souligne également l’importance de la prise en compte des caractéristiques sectorielles pour caractériser ces rôles.
