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Raone Julien, Jerman Lambert

Entretiens d’autoévaluation, bilans de compétences et goal settings incarnent les visages gestionnaires les plus quotidiens des procédures et dispositifs de vérité parcourant les organisations. Comment altèrent-ils le comportement des acteurs de l’organisation par différentes mises en scène de la narration de soi? Par quels dispositifs confessionnels parviennent-ils à désamorcer résistances et stratégies opportunistes? En faisant de ces dispositifs des moments de l’aveu, la présente contribution fait de l’acception foucaldienne de la confession une lentille conceptuelle pour concevoir de façon originale les termes pratiques de la subjectivation. Alors qu’elle permet de saisir les dimensions discursives, rituelles et subjectivantes de la confession, elle éprouve et opérationnalise la thèse de l’organisation confessante caractérisée par la quête permanente de la vérité et la production du sujet comme animal confessant, confirmant Foucault (1976: 79) lorsqu’il affirme « L’aveu est devenu, en Occident, une des techniques les plus hautement valorisées pour produire le vrai. Nous sommes devenus, depuis lors, une société singulièrement avouante ». Dans son versant empirique, la présente contribution se propose d’étudier la production du sujet confessant dans l’organisation au moyen de l’étude ethnographique de l’intégration d’un collaborateur au sein d’un Big Four. L’examen permet de révéler une promesse d’élévation, un discours marquant les principes qui la conditionnent ancré dans le couple chargeabilité-feedback, et un ensemble de pratiques ritualisées par lesquelles l’individu met continuellement en discours et autoévalue ses actions à distance et dans son lien avec son confesseur, le performance manager. Observant et discutant l’ambivalence qui sous-tend la dynamique de production du sujet confessant, la contribution conclut en ouvrant à une approche réflexive et émancipatrice de ces dispositifs organisationnels de vérité.