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Grandclaude Didier, Nobre Thierry

Dans le contexte national, la plupart des dirigeants de PME ne désirent qu’une croissance mesurée (Chabaud, 2013). Une des brides managériales avancées pour expliquer ce complexe de Peter Pan se situe dans la présence d’effets de seuil. Les contraintes administratives déclenchées par l’atteinte du cinquantième salarié auraient des effets psychologiques dévastateurs sur les aspirations du dirigeant. De nombreux rapports ont donc préconisé le lissage des effets de seuil pour libérer la croissance des PME (Attali, 2008, 2010 ; Retailleau, 2010). Pour autant, une étude INSEE de Ceci-Renaud et Chevalier (2011) démontre que les effets de seuil ne seraient pas un facteur explicatif du déficit de taille des PME françaises. Ce manque de consensus autour de l’impact des effets de seuil nous amène à investiguer davantage la question de la relation entre les effets du seuil de 50 salariés et la volonté de croissance du dirigeant. Nous nous intéressons ici à ce que Wright et Stigliani (2012) nomment les microfondations de la croissance. L’objectif est, d’une part, d’identifier, l’impact des effets de seuil sur la volonté de croissance du dirigeant et, d’autre part, de comprendre pourquoi, dans un contexte égal, certains dirigeants franchissent les seuils et d’autres non. Pour ce faire, nous mobilisons la littérature sur les profils du dirigeant. Ces travaux ont distingué l’artisan de l’opportuniste et conduisent à entrevoir un entrepreneur de croissance individualiste, expérimenté et dont les compétences sont vouées à la saisie et à l’exploitation des opportunités. A partir d’une étude qualitative réalisée auprès de 23 dirigeants de PME, nous identifions, dans une première étape, trois stratégies adoptées face aux seuils : le renoncement, qui consiste en l’anéantissement de la volonté de croissance du dirigeant, le contournement, qui consiste en une volonté de croissance persistante et en un évitement du seuil et, enfin, le franchissement qui signifie que le seuil est quasiment sans effet sur la volonté de croissance du dirigeant. Puis, dans une démarche explicative, nous rapprochons ces stratégies des profils rencontrés. Outre le focus mis sur une problématique managériale peu explorée dans le cadre de la croissance des entreprises, notre contribution est de dresser le portrait d’un entrepreneur plutôt bienveillant, voire universaliste, qui ne répond pas aux critères individualistes habituellement retenus dans les typologies de dirigeants : le dirigeant de PME de croissance serait-il altruiste ?