AIMS

Cusin Julien, Passebois-ducros Juliette
L’apprentissage émotionnel à distance de l’échec : Le cas de la Cité Mondiale du Vin et des Spiritueux

Sous l’impulsion d’auteurs tels qu’Abraham Carmeli, Amy Edmondson ou Dean Shepherd, la littérature sur les échecs organisationnels est en plein essor depuis une douzaine d’années. Pourtant, certaines questions relatives à ce champ théorique restent non résolues à ce jour. C’est le cas, par exemple, de l’effet d’un échec sur l’attitude ultérieure des individus. En effet, la thèse du choc thérapeutique (Greve, 2003) s’oppose à celle du choc psychologique (Välikangas et al., 2009). En particulier, on ne sait pas si l’échec stimule les comportements innovants ou, au contraire, s’il inhibe l’action. Cet article s’inscrit dans cet agenda de recherche, en marquant toutefois une opposition avec la littérature traditionnelle sur les échecs organisationnels. En effet, nous nous intéressons ici à l’articulation entre deux projets n’appartenant pas à la même trajectoire d’innovation (Ben Mahmoud-Jouini, 2004). Par ailleurs, nous concentrons notre étude sur des individus non décideurs, pour lesquels le projet n’est pas un objet d’investissement affectif (Dubouloy, 2005). Ainsi, nous cherchons à savoir quel impact l’échec d’un projet de grande ampleur peut avoir sur des individus non-décideurs, qui sont impliqués dans un projet ultérieur a priori différent. Pour répondre à cette question, nous étudions les liens, dans la durée, entre deux projets bordelais bien distincts : la Cité Mondiale du Vin et des Spiritueux (un marché permanent du vin pour les professionnels, qui a échoué) et le Centre Culturel et Touristique du Vin (un équipement culturel sur la civilisation mondiale du vin à destination du grand public, qui verra le jour en 2016). Nous montrons finalement l’existence d’un apprentissage émotionnel à distance de l’échec, qui est le fruit des démarches heuristiques utilisées par des professionnels pourtant compétents dans leur domaine. Nous soulignons, à ce titre, que leurs raisonnements simplifiés sont liés à leur très faible niveau d’implication dans le projet ayant échoué.