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Frery Frédéric

Auteur

Frédéric FRERY

Résumé

Depuis l’avènement du fordisme et le développement de structures pyramidales toujours plus amples, les avantages des structures intégrées ont été largement décrits, tant d’un point de vue stratégique (Jones et al., 1990 ; Harrigan, 1993) qu’économique (Coase, 1937 ; Williamson, 1975, 1985 ; D’Aveni et Ravenscraft, 1994). L’intégration permet une meilleure allocation des ressources et une répartition plus fine des profits au sein de la chaîne de valeur, entraîne des économies d’échelle et des économies de champ, autorise de plus nombreuses diversifications par pivot, réduit des coûts logistiques et technologiques, évite les tractations avec l’essentiel des fournisseurs et des distributeurs, procure une forte indépendance de décision, donne un pouvoir de négociation supérieur, et surtout limite l’opportunisme des agents par un contrôle accru des transactions, régulées au sein d’une unique et vaste hiérarchie.

À l’inverse, l’intégration de la chaîne de valeur au sein d’une même firme pâtit d’un certain nombre d’inconvénients, tels que l’accroissement des conséquences d’une crise de la filière correspondante, du fait de la concentration d’actifs spécifiques, la moindre stimulation des agents, devenus des employés généralement plus soucieux de la gestion de leur carrière que de celle de leur entreprise, et le développement de deséconomies d’échelle liées à l’augmentation de la taille, telles que l’inertie, l’arrogance, l’inflation des frais généraux, le rejet des innovations radicales et la multiplication néfaste des jeux politiques internes.

Néanmoins, cette analyse des stratégies d’intégration repose le plus souvent sur une regrettable confusion. Implicitement ou explicitement, l’intégration verticale ou horizontale se confond avec l’intégration financière et capitalistique, c’est à dire la possession par un actionnariat unique de la totalité des actifs constituant une chaîne de valeur. Nous voulons montrer que cette implication n’est pas fondée, et que l’on peut tout à fait concevoir une structure d’entreprise intégrée pourtant constituée de plusieurs firmes capitalistiquement — mais non stratégiquement — indépendantes.

C’est donc une extension de la notion d’entreprise intégrée que nous proposons, notre définition incluant non seulement les entreprises financièrement intégrées, mais également les firmes réseaux et les réseaux d’entreprises — et plus largement les relations interentreprises — dès lors que le contrôle des transactions y relève d’un acteur stratégique unique.

En fait, dans notre acception, il convient de parler d’entreprise intégrée lorsque l’on constate une intégration stratégique (unité de conception, de coordination et de contrôle) et pas uniquement une intégration capitalistique (unité de possession d’un patrimoine et d’actifs spécifiques). L’intégration financière classique n’est en fait qu’une des approches permettant de contrôler les transactions au sein d’une chaîne de valeur, et des alternatives à cette structure de gouvernance existent et sont déjà utilisées : l’intégration logistique, l’intégration médiatique et l’intégration culturelle. Afin de mettre en évidence ces modes de gouvernance, nous devrons tout d’abord rappeler quelques spécificités des réseaux d’entreprises, sous l’angle des types de contrôle qui y prévalent.