AIMS

Pluchart Jean-jacques
Le développement de grands projets dans les Nouveaux Pays Industrialisés, d'une logique de positionnement à une logique de représentation

Auteur

Jean-Jacques PLUCHART

Résumé

La multiplication des investissements directs des firmes multinationales dans les Nouveaux Pays Industrialisés ( NPI ) vient relancer la problématique des choix publics et des décisions privées en matière de projets internationaux. La déreglementation des marchés a contribué, à partir des années 1980, à limiter la capacité d’intervention des Etats et à étendre le pouvoir des groupes étrangers sur les économies locales (Wright, 1984). Cette mutation a rendu plus complexes les choix des pouvoirs publics -exposés au « dilemme de la gouvernabilité et de la compétitivité » (Faucher, Hafsi, 1994)- et les décisions des firmes - confrontées à des « arbitrages entre pays-cibles et entre modes d’implantation » (Rainelli, 1996). C’est pourquoi les approches classiques -fondées sur des analyses croisées des attraits des marchés et des atouts des investisseurs- s’avèrent souvent inopérantes, notamment lorsqu’elles sont appliquées à des économies émergentes.

Les choix publics et privés reposent en effet sur des logiques d’ordres stratégique, organisationnel et comportemental (Doz, 1986). Les décisions des acteurs doivent en effet conduire à optimiser les avantages concurrentiels respectifs des pays d’accueil et des groupes d’investisseurs, mais également à concilier les intérêts parfois contradictoires, des diverses « coalitions d’acteurs» impliquées dans les projets. L’harmonisation de leurs logiques est rendue encore plus difficile dans le cadre de systèmes dits de « socialisme de marché », recouvrant des « économies duales » où coexistent une planification autoritaire et une concurrence surveillée dans des zones géographiques spéciales. « Tout se passe en effet comme si le lobby des marchés y faisait peser, par sa nature même, une menace sur la souveraineté nationale ; la difficulté de penser la politique économique dans un espace « marchéisé » conduit ainsi certains Etats à prendre des décisions arbitraires au nom de la responsabilité démocratique » (Emmerich, 1996). La difficulté de mesurer le risque encouru par un projet international en économie socialiste explique notamment pourquoi près des deux tiers des initiatives de « joint ventures » entre des combinats chinois et des firmes étrangères se traduisent par des échecs (Shi, 1994), et pourquoi les investisseurs tardent à s’engager dans certains secteurs de l’économie vietnamienne ou à pénétrer les marchés nord-coréen et cubain.

La présente recherche vise à analyser les processus décisionnels respectifs des pouvoirs publics des N.P.I. et des firmes multinationales qui y sont engagées. Elle s’efforce de montrer que la pertinence des approches usuelles -adaptées aux interventionnismes libéraux- est remise en question en « économie duale ». Elle s’appuie sur l’observation d’un terrain inexploré: celui du plus important investissement vietnamien du début des années 1990. Elle présente successivement le cadre théorique (1ere partie), la méthodologie de la recherche (2eme partie), le descriptif du cas analysé (3eme partie) et les termes de la discussion qu’il soulève (4eme partie).