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Angot Jacques, Durieux Florence

Auteur

Jacques ANGOT

Florence DURIEUX

Résumé

L’action organisationnelle est un élément important de la compréhension des organisations. Synthèse agrégée de choix individuels ou combinaisons de procédures, normes et comportements, l’action collective, au sens de Brunsson (1982), constitue une problématique majeure, principalement dans la recherche de moyens pour l’induire, la motiver, l’ordonner ou encore la contrôler. A ce titre, un outil important a toujours été le concept de rationalité. En effet, soit il est à la base des modes d’organisation et de coordination (que ce soit dans l'organisation scientifique du travail (Taylor, 1965 ; Fayol, 1949) ou dans la représentation en chaîne moyens-fins (March et Simon, 1971)), soit il devient un élément de référence sur lequel se fonde la construction d'une perspective inverse (relativisme à la Boudon (1991) ou les réflexions sur l’irrationalité (Zey, 1995)). Plus important, la rationalité est devenue non plus un moyen d'atteindre la performance ou la maximisation du profit mais elle a intégré la vie organisationnelle en termes de finalité (Franck, 1988) est en passe de devenir une croyance (Bowles, 1997).

Néanmoins, le concept de rationalité a vu sa définition et son statut évoluer au cours des écrits passant de l'idée d'une Raison universelle (Cf. rationalisme) à celle plus modeste de plusieurs rationalités substantives mais aussi à celle de la pratique limitée de cette Raison (Simon, 1972) à l'origine de la recherche d'une rationalité procédurale qui, pour certains, aboutirait à des mécanismes de rationalisation (Gomez, 1996). Bref, l'organisation regorge de multiples rationalités substantielles ou de pratiques différentes de Raisons proches, qui sont engagées (au sens de Martinet (1995)) au sein d'activités plus ou moins stratégiques.

Dès lors, du fait de ces nouvelles considérations, il paraît légitime de s’interroger sur la manière dont ces différentes rationalités coexistent au sein de l'organisation. Cette question nous paraît d’autant plus importante que le concept de rationalité, devenu plus proche de l’acteur et de ses comportements, n’en reste pas moins liée à la notion d’action individuelle. Plus précisément, dire que l’organisation est le siège d’une variété de rationalités revient à dire que l’organisation est le siège d’une potentialité d’actions plus ou moins individuelles au sein desquelles l’organisation doit opérer un choix pour elle-même agir.

Or, la rationalité se définit à partir d'une combinaison particulière de moyens-fins et de règles d'adéquation et, au niveau interne à l’organisation, les moyens ainsi que les finalités sont en concurrence sur des ressources particulières qui peuvent être physiques, telles que les ressources financières, mais aussi sur des notions telles que l'attention ou la compréhension ou l'acceptation au sein des représentations des différents acteurs. Dès lors, sur ces modes de concurrence, il semble pertinent d’envisager une perspective évolutionniste. De ce fait, cela revient à chercher à comprendre si pour une fin donnée, il existe une écologie des moyens. De même, nous essaierons de voir si pour un moyen donné, il existe une écologie des fins.

Il est clair que cette écologie (si elle existe) permettra de définir les modes de sélection et de rétention des règles d'adéquation au sein de combinaisons moyens-fins et plus précisément de s'interroger sur l'idée de rationalité organisationnelle, à savoir celle qui se définit à l'issue d'un processus de variation - sélection - rétention (Campbell, 1969).

Pour cela, nous avons construit un cas en prenant comme unité d’analyse la notion de projets. Ce choix s’explique par deux raisons principales. La première repose sur l’idée qu’un projet qui se définit par "une démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir ... [Il] est défini et mis en oeuvre pour répondre au besoin d'un client et [...] implique un objectif et des besoins à entreprendre avec des ressources données" (AFITEP-AFNOR, 1992 : 136) permet d’identifier de la manière la plus directe les notions de fins et de moyens qui lui sont associées. La deuxième, plus pragmatique, repose sur des facilités d’accès au terrain, aux acteurs et aux données primaires et secondaires. Cette recherche porte sur une population de projets techniques d’EDF GDF SERVICES. Bien sûr, la nature des projets aurait pu être tout autre : ressources humaines, développement commercial, etc. Aux vues de cette méthodologie qui comporte assurément des limites, nous essaierons de montrer les différentes phases confirmant l’idée d’écologie avant de nous pencher sur les « configurations » issues de cette écologie en termes de règles d’adéquation entre moyens et fins. Nous n’avons retranscrit que quatre projets en raison de la nature différente d’éclairage qu’ils apportent.

Angot Jacques, Meier Olivier

Auteur

Jacques ANGOT

Olivier MEIER

Résumé

L’environnement a fait apparaître ces dernières années de nouvelles formes d’organisation dont l’une des caractéristiques est l’instauration de mode d’organisation non hiérarchique inscrits dans une logique de coopération (Jarillo 1988, Chiles & Mcmackin 1996).

Ce modèle trouve sa cohérence dans le développement de relations basées sur la confiance mais également sur la complémentarité entre les différents acteurs de l’organisation au travers d’une valorisation des qualités personnelles des individus et de leur contribution à l’efficacité organisationnelle.

Ces organisations présentent par conséquent des modes de fonctionnement peu classiques en ce sens que les spécificités organisationnelles, telles que les procédures ou les règles formelles, semblent être négligées au profit d’ajustements personnalisés et d’une valorisation des compétences individuelles (et ce indépendamment du statut des acteurs au sein de l’organisation)

Ceci nous amène à penser que des changements puissent être perçus et vécus différemment dans le cas d’un mode d’organisation non hiérarchique, en comparaison à des entreprises plus traditionnelles En particulier comment une organisation non hiérarchique peut-elle réagir à des changements d’orientation importants ? C’est la question à laquelle nous nous proposons de répondre au travers d’une étude de cas ; Le cas étudié correspond à une reprise en main par les mandants de l’une de leur société, nommée pour des raisons de confidentialité, Tulipe. Le cas relate la décision des mandants d’opérer un changement de direction au sein d’une société habituée par son histoire et son métier à développer des relations de coopération dans un cadre « déhiérarchisé », dotée d’un centre de pouvoir réduit. Cette reprise en main se traduit par l’introduction d’un nouveau système d’autorité basé sur des mécanismes de contrôle et la mise en place de relations hiérarchiques.

L’intérêt du cas est justifié par le phénomène d’escalade engendré par cette mesure et ses conséquences dramatiques pour le fonctionnement de l’organisation (phénomènes d’implosion, individualisation des conflits, rejet des propositions du nouveau dirigeant, multiplication des comportements déviants). En cherchant à comprendre les raisons de l’impact par l’introduction d’un système d’autorité différent de celui pratiqué jusqu’alors, nous avons été amenés à réfléchir sur la manière dont l’autorité peut s’exercer dans une organisation non hiérarchique.

Dans ce mode d’organisation, l’autorité ne repose pas sur le statut hiérarchique des acteurs qui se voient dans l’incapacité d’imposer a priori telle ou telle procédure dans un mode d’organisation non hiérarchique. L’autorité n’est pas une simple « affaire de forme », où il s’agit de respecter des règles en vigueur. L’autorité doit, pour être légitime, de justifier le contenu de ses propos et leur intérêt pour les membres de l’organisation. C’est seulement de cette façon que l’autorité pourra bénéficier de l’obéissance active des collaborateurs (Filion 1994). Ceci revient, par conséquent, à aborder le fonctionnement des modèles non hiérarchiques comme la résultante d’un siège de légitimités substantielles, où le « contenu » prime sur la « forme ».

Notre problématique de recherche revient alors à analyser comment une organisation non hiérarchique qui s’appuie sur des légitimités substantielles, peut réagir à l’introduction d’un système d’autorité formel. Plus précisément, d’un point de vue intraorganisationnel, nous essaierons d’analyser les logiques d’affrontement entre des légitimités substantielles et une légitimité rationnelle-légale qui correspond à l’arrivée d’un nouveau dirigeant mandaté par les membres constitutifs de l’entreprise Tulipe (c’est-à-dire ses mandants).

Après avoir élaboré, à partir de la « littérature » une grille de lecture des légitimités, nous analyserons les différents « moments de ruptures » (Laufer 1996) puis tenterons de proposer des pistes de réflexion sous forme de propositions.