AIMS

Angot Jacques, Meier Olivier
Les problèmes de légitimités au sein d’un mode d’organisation non hiérarchique : le cas d’une « reprise en main »

Auteur

Jacques ANGOT

Olivier MEIER

Résumé

L’environnement a fait apparaître ces dernières années de nouvelles formes d’organisation dont l’une des caractéristiques est l’instauration de mode d’organisation non hiérarchique inscrits dans une logique de coopération (Jarillo 1988, Chiles & Mcmackin 1996).

Ce modèle trouve sa cohérence dans le développement de relations basées sur la confiance mais également sur la complémentarité entre les différents acteurs de l’organisation au travers d’une valorisation des qualités personnelles des individus et de leur contribution à l’efficacité organisationnelle.

Ces organisations présentent par conséquent des modes de fonctionnement peu classiques en ce sens que les spécificités organisationnelles, telles que les procédures ou les règles formelles, semblent être négligées au profit d’ajustements personnalisés et d’une valorisation des compétences individuelles (et ce indépendamment du statut des acteurs au sein de l’organisation)

Ceci nous amène à penser que des changements puissent être perçus et vécus différemment dans le cas d’un mode d’organisation non hiérarchique, en comparaison à des entreprises plus traditionnelles En particulier comment une organisation non hiérarchique peut-elle réagir à des changements d’orientation importants ? C’est la question à laquelle nous nous proposons de répondre au travers d’une étude de cas ; Le cas étudié correspond à une reprise en main par les mandants de l’une de leur société, nommée pour des raisons de confidentialité, Tulipe. Le cas relate la décision des mandants d’opérer un changement de direction au sein d’une société habituée par son histoire et son métier à développer des relations de coopération dans un cadre « déhiérarchisé », dotée d’un centre de pouvoir réduit. Cette reprise en main se traduit par l’introduction d’un nouveau système d’autorité basé sur des mécanismes de contrôle et la mise en place de relations hiérarchiques.

L’intérêt du cas est justifié par le phénomène d’escalade engendré par cette mesure et ses conséquences dramatiques pour le fonctionnement de l’organisation (phénomènes d’implosion, individualisation des conflits, rejet des propositions du nouveau dirigeant, multiplication des comportements déviants). En cherchant à comprendre les raisons de l’impact par l’introduction d’un système d’autorité différent de celui pratiqué jusqu’alors, nous avons été amenés à réfléchir sur la manière dont l’autorité peut s’exercer dans une organisation non hiérarchique.

Dans ce mode d’organisation, l’autorité ne repose pas sur le statut hiérarchique des acteurs qui se voient dans l’incapacité d’imposer a priori telle ou telle procédure dans un mode d’organisation non hiérarchique. L’autorité n’est pas une simple « affaire de forme », où il s’agit de respecter des règles en vigueur. L’autorité doit, pour être légitime, de justifier le contenu de ses propos et leur intérêt pour les membres de l’organisation. C’est seulement de cette façon que l’autorité pourra bénéficier de l’obéissance active des collaborateurs (Filion 1994). Ceci revient, par conséquent, à aborder le fonctionnement des modèles non hiérarchiques comme la résultante d’un siège de légitimités substantielles, où le « contenu » prime sur la « forme ».

Notre problématique de recherche revient alors à analyser comment une organisation non hiérarchique qui s’appuie sur des légitimités substantielles, peut réagir à l’introduction d’un système d’autorité formel. Plus précisément, d’un point de vue intraorganisationnel, nous essaierons d’analyser les logiques d’affrontement entre des légitimités substantielles et une légitimité rationnelle-légale qui correspond à l’arrivée d’un nouveau dirigeant mandaté par les membres constitutifs de l’entreprise Tulipe (c’est-à-dire ses mandants).

Après avoir élaboré, à partir de la « littérature » une grille de lecture des légitimités, nous analyserons les différents « moments de ruptures » (Laufer 1996) puis tenterons de proposer des pistes de réflexion sous forme de propositions.