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Trehan Natacha

Auteur

Natacha TREHAN

 

Résumé

Dans les publications universitaires s’appuyant sur des recherches empiriques, le processus de croissance externe se réfère la plupart du temps à des grandes entreprises. (Paturel, 1992, Chiavelli, 1980). Les firmes de moyenne dimension sont le plus souvent considérées comme des cibles potentielles pour ces grandes sociétés (Schwartz, 1982) et non comme des acteurs d'opérations de fusions, d'acquisitions, de prises de participations majoritaires...

Les conditions et modalités de la croissance externe par des entreprises personnelles et familiales de moyenne dimension (EPF) ont, à notre connaissance, fait l’objet de très peu de travaux récents et demeurent mal connues.

La présente étude s’inscrit dans le cadre plus large d’une recherche doctorale sur les facteurs de contingence de ces stratégies de croissance externe des entreprises personnelles et familiales de moyenne dimension.

L’objectif de ce travail est d’identifier puis d’analyser les raisons incitant une EPF française, pratiquant une stratégie de croissance externe, à se structurer avec une holding. Ensuite, l’interrogation porte sur l’influence de la mise en place d’une telle holding sur le processus de prise de décision stratégique de croissance externe d’une EPF et sur les opérations réalisées.

Dans une première partie est analysée la spécificité de la prise de décision de ces entreprises au vu de leur structure d’actionnariat. A partir des typologies d’entrepreneurs proposées dans la littérature relative aux PME/PMI, nous étudions l’influence des valeurs de la coalition au pouvoir sur la décision stratégique de croissance externe. Leur influence sur le comportement financier et la culture organisationnelle de l’EPF, est également pris en compte. L’impact d’autres éléments plus spécifiques, tels que le rôle de la fiscalité ou la dépendance vis à vis de grands donneurs d’ordres est aussi considéré. Dès lors, un certain nombre d’hypothèses sont proposées quant à la constitution d’une holding en tant que solution permettant de concilier des préférences financières, organisationnelles et patrimoniales de la coalition au pouvoir avec les contraintes de l’adoption d’une stratégie de croissance externe.

En partant du constat que la mise en place d’une holding complexifie la structure organisationnelle de l’EPF, nous tentons de voir comment sa constitution va modifier les outils et le processus de la prise de décision stratégique, pour les faire évoluer vers plus de formalisation. Enfin, nous cherchons à voir, par le biais des opérations de croissance externe réalisées, si sa mise en place constitue un accélérateur de croissance de l’EPF, du fait, notamment, de ses avantages fiscaux et financier (effet de levier).

Les résultats d’une étude empirique portant sur 147 EPF françaises ayant réalisé au moins une opération de croissance externe entre 1992 et 1998 sont présentés en seconde partie. Des régressions logistiques et des tests paramétriques et non paramétriques sont réalisés.

Il en ressort que les finalités de la constitution d’une holding, par une EPF pratiquant une stratégie de croissance externe, ne sont pas les mêmes selon la structure d’actionnariat de l’EPF (dominance familiale ou personnelle), selon le profil, les valeurs du dirigeant-propriétaire et selon le secteur d’activité de l’EPF (secondaire ou tertiaire). Tout d’abord, indépendamment du secteur considéré, les principales motivations pour la constitution d’une holding sont patrimoniales (verrouiller le capital, préparer la transmission du groupe) et non guidées par une logique de reprise, contrairement à ce qui était supposé. En revanche, dès lors que la dimension sectorielle est prise en compte, un clivage net apparaît : les EPF du secteur secondaire constituent une holding dans le souci de faciliter leur transmission. La peur de perte de contrôle constitue la seconde variable explicative. Pour les EPF du secteur tertiaire, la holding est constituée à seule fin de faire jouer l’effet de levier pour faciliter les opérations de croissance externe. Deux types de holding peuvent donc être distingués : dans l’industrie, il s’agit de holding à objectifs patrimoniaux que nous nommons « holding de famille», dans les services, il s’agit de « holding de reprise ». Si l’on affine l’analyse en caractérisant les EPF et leur coalition au pouvoir selon leur secteur d’activité. Il ressort dans que le secondaire, les EPF sont sur des secteurs traditionnels fortement dépendants de la stratégie et des fluctuations d’activité de leur donneurs d’ordres, leur dirigeant a plutôt un profil « craftsman », par référence à la typologie de Smith (1967). La structure d’actionnariat est de dominante familiale. Dans le tertiaire, les EPF à dominante personnelle, se situent sur des secteurs récents, en forte croissance et très concurrentiels. La stratégie de croissance externe est une stratégie délibérée, réalisée par des dirigeants de type « opportunistic ».

Concernant l’influence de la constitution d’une holding sur le processus décisionnel au sein d’une EPF, sa mise en place marquerait une transition d’une approche « entrepreneuriale » au sens de Mintzberg (1982), vers une approche plus « managériale » de la prise de décision.

Enfin, quelque soit le secteur de l’EPF, la présence d’une holding jouerait le rôle d’un accélérateur de croissance comparativement aux EPF sans holding de contrôle.

En conclusion, cette étude montre que la croissance externe peut constituer pour une EPF un mode de développement à ne pas négliger dans la mesure où la constitution d’une holding permet de concilier les préférences de la coalition au pouvoir avec les contraintes d’une telle stratégie.