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Temri Leïla

Auteur

Leïla TEMRI

 

Résumé

L’objet de cette communication est de proposer une représentation des processus d’innovation fondée sur le « paradigme » de la complexité. Elle s’appuie sur les travaux des économistes et les sociologues de l’innovation, qui ont élaborés de modèles issus de l’observation de la réalité, prenant en considération le jeu des acteurs. Nous délimitons tout d’abord les contours du concept d’innovation afin d’en identifier des propriétés fondamentales. Puis nous présentons les représentations économiques et sociologiques les plus riches des processus d’innovation. En nous appuyant sur ces propriétés et sur ces représentations, nous qualifions alors l’innovation de phénomène complexe. Ceci nous amène à proposer une représentation du processus d’innovation en tant que « stratégie tâtonnante ».

 

I. Les contours du concept d’innovation

Le terme « innovation » étant employé pour désigner un très grand nombre de situations, il convient de clarifier le champ du concept, afin d’en dégager les propriétés principales. Tout d’abord la référence à la technique ou à la technologie ne nous paraît pas indispensable dans le cadre de l’innovation, qui peut être d’une autre nature. L’examen des principales typologies nous permet de caractériser les phénomènes d’innovation par leur incertitude, dont la « localisation » et l’intensité peuvent être variables selon la nature et le degré de « radicalité ». Par ailleurs, le concept d’innovation contient l’idée de création, non seulement dans la phase initiale du processus dénommée généralement invention, mais également du fait de l’évolution permanente du contexte, qui engendre la recherche constante de nouvelles règles. Enfin, la distinction entre innovation et changement réside non seulement dans le degré de « radicalité » des modifications par rapport à une situation de référence, mais également dans le caractère volontaire, intentionnel de l’innovation, contrairement au changement.

 

II. Les principales représentations du processus d’innovation

L’innovation désigne à la fois un résultat et le processus qui produit ce résultat. L’analyse des modèles de représentation évolutionnistes et sociologiques du processus d’innovation nous permet de dégager de nouvelles propriétés du phénomène. Il s’agit d’un processus social, engageant des acteurs multiples, aux intérêts parfois divergents, qu’il s’agit de faire converger vers la réalisation d’un projet commun. Les relations entre acteurs sont à certains moments conflictuelles, désordonnées, puis s’ordonnent progressivement. Les interactions entre les acteurs créent une organisation aux contours mouvants, un réseau, qui produit l’innovation, celle-ci engendrant le réseau dans le cadre d’une causalité récursive. Les interactions entre acteurs et l’évolution de l’environnement, conduisent à modifier le projet tout au long du processus pour l’adapter en permanence aux conditions émergentes. Le résultat du processus d’innovation n’est ainsi pas entièrement déterminé dès le départ, mais se forge progressivement dans les interactions entre les individus qui créent quelque chose de nouveau, tandis que d’autres potentialités sont abandonnées.

 

III. Le processus d’innovation : une stratégie tâtonnante dans la complexité

L’ensemble des propriétés énoncées dans les deux parties précédentes permettent de qualifier l’innovation de phénomène complexe, en nous appuyant sur les travaux d’E. Morin. L’attribution de cette propriété au processus d’innovation nous autorise à le représenter sous la forme d’une stratégie tâtonnante, suivant la conception développée par M.J. Avenier. L’innovation –résultat apparaît comme la vision stratégique qui engendre l’action stratégique destinée à en permettre la réalisation. Cette vision peut être modifiée au cours de l’évolution du processus du fait des interactions entre les individus et de l’évolution du contexte, engendrant des modifications des actions stratégiques, dans le cadre d’une dialectique permanente. La vision peut être située à un niveau global, l’entreprise par exemple, ou à un niveau local, ces deux niveaux étant en interaction permanente, ce qui nous permet d’inclure les innovations incrémentales dans la représentation.

Cette représentation nous semble susceptible, par la suite, d’enrichir l’approche des compétences pour l’innovation, et d’expliquer les formes d’organisation de l’innovation qui sont préconisées par les managers.