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Mira-bonnardel Sylvie

Auteur

Sylvie MIRA BONNARDEL

 

Résumé

Travaillant sur deux ressources majeures de l’entreprise que sont les compétences et les connaissances, nous avons été frappés par la dichotomie quasi généralisée dans la littérature entre connaissances et compétences. Pourtant, à l’issue d’études menées auprès d’entreprises – notamment des industries de systèmes – il nous semble que cette dichotomie n’est pas fondamentalement justifiée. Par ailleurs, comme nous avons pu constater, lors d’une démarche de diagnostic de diversification en PME, que c’est bien dans l’articulation compétences / connaissances que peut s’ancrer un redéploiement stratégique. Dans ce texte, nous tenterons d’expliciter le concept de compétences, caractérisé par sa polysémie mais surtout par les liens fondamentaux qui l’unissent à la fois à l’action et à la connaissance. Nous soulignerons que la notion de compétence relève d’une définition à la fois floue et extrêmement bornée, entre la connaissance, l’expérimentation, l’organisation et la norme. La compétence se définit dès lors comme un processus dans un espace de socialisation : un processus complexe de cristallisation qui s’organise en vue d’une performance. Les compétences n’apparaissent donc pas comme un état – ou un produit à acquérir – mais comme un construit en équilibre sur quatre piliers : le savoir-faire en action, le savoir mobiliser les connaissances, le savoir intégrer des connaissances hétérogènes, le savoir transférer pour inventer des solutions à des situations nouvelles. Ceci nous amènera à examiner la gestion des compétences pour laquelle il s’agit de créer les conditions d’émergence d’un collectif de travail qui se constitue, par la production d’une règle non écrite de fonctionnement et de coopération.

Dans un second temps, nous nous attacherons à préciser les concepts de connaissance et de cognition : la qualité ontologique de la connaissance amenant irrémédiablement la cognition vers l’auto-organisation. Nous soulignerons alors que les processus de management des connaissances n’ont peut-être pas toujours intégré ce caractère biologique de la cognition.

Un court passage par l’apprentissage montrera l’importance de la contextualisation et l’enracinement des compétences et des connaissances à l’organisation qui les reconnaît.

Enfin, dans un dernier temps, nous reviendrons sur la dichotomie entre management des compétences et management des connaissances qui se retrouvent à la fois dans la littérature et dans les entreprises dans lesquelles le management des compétences relève généralement des RH quand le management des connaissances est laissé au soin des informaticiens, au mieux, d’un knowledge manager. Nous souhaitons insister sur la proximité entre management des connaissances et management des compétences et leur inséparabilité dans le cas des industries de systèmes. Ces entreprises à production multi unitaire sont d’autant plus confrontées au management des connaissances et des compétences que l’effet d’expérience ne joue pas ou très peu : chaque système conçu répond à un cahier des charges non seulement nouveau mais aussi novateur par rapport à l’état de l’art de la technologie sur le domaine.

Nous illustrerons notre propos en présentant le cas de redéploiement d’une PME de l’armement dont les dirigeants ont fondé leur démarche de diversification dans une analyse de la combinatoire compétences/connaissances.

C’est en portant le questionnement sur l’intersection de leurs connaissances et de leurs compétences que les dirigeants de l’entreprise ont pu définir leur métier et tracer des pistes de redéploiement vers d’autres marchés. C’est aussi grâce à ce questionnement à double entrée que l’entreprise a évité l’écueil de se lancer sur un marché sur lequel elle possède bien les compétences techniques nécessaires mais ne dispose pas des compétences organisationnelles et industrielles suffisantes pour développer sa compétitivité.

En s’interrogeant sur la combinatoire compétences/connaissances, les dirigeants de l’entreprise ont pu aussi mettre en lumière l’arborescence liant connaissances et compétences et éclairer :

- d’une part les trous de connaissances pénalisant la compétence acquise sur la pratique et limitant ses possibilités d’enrichissement et d’évolution,

- d’autre part, des trous de compétences laissant la connaissance orpheline de la pratique, sans espace à l’élaboration d’une compétence.

Cette analyse a permis de déterminer ainsi des pistes d’enrichissement de la chaîne de connaissance - compétence (et par la même de la chaîne de valeur) de l’entreprise.