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Laroche Hervé

Auteur

Hervé LAROCHE

 

Résumé

Le management stratégique s'est beaucoup intéressé au dirigeant, mais peu aux managers ("middle-managers"). Ceux-ci sont soit assimilés aux dirigeants, soit "noyés" dans les processus de décision ou de changement stratégique.

 

À la recherche du manager

De manière générale, la littérature qui est consacré au manager se contente d'observations où le détail remplace la théorie : on répète à l'envi que le manager a un travail fragmenté, fait d'interactions sociales diverses, et qu'il est stressé. Quant à la sociologie du travail, elle s'attache au "cadre", catégorie à l'identité de plus en plus incertaine.

La question du manager doit être replacée dans le contexte actuel d'une entreprise ouverte. On entend par "entreprise ouverte" une forme d'organisation qui tend à se rendre sensible au maximum aux "demandes" (le "marché", les "actionnaires") qui engagent les plus gros enjeux pour l'entreprise et ses dirigeants. Dans ce jeu où "tout le monde est en première ligne", le manager est le premier joueur et le premier animateur.

 

Le manager managé

La principale caractéristique de sa situation est qu'il est soumis à des jugements évaluatifs (formels et informels) qui comportent une grande part d'incertitude. En effet, le manager mène une activité complexe dans le cadre d'un mandat qui est souvent flou ou susceptible d'être révisé. À la différence d'un expert, son mandat et les critères d'évaluation de son action ne sont pas inscrits dans un métier et dans un savoir. Or, le contexte de l'entreprise ouverte favorise la multiplication de ces jugements : il y a de plus en plus de parties prenantes et d'occasions de juger.

Alors que la doctrine managériale classique prône de juger sur les résultats, les nécessités du contrôle par des mandants indécis ou versatiles conduisent à former des jugements sur des indices souvent ténus. La manager est plus jugé en fonction des potentialités de sa personne ou de son action que par rapport à des objectifs ou normes fixées préalablement. Pareillement, il est de plus en plus jugé à l'aune de références définies extérieurement à l'organisation (par l'opinion, le marché, les concurrents, les analystes, etc.). Ces caractéristiques des jugements évaluatifs convergent vers la création d'un contexte d'incertitude pour le manager, et vers la nécessaire prise en charge par ce dernier de la fabrication des jugements. En d'autres termes, pour comprendre le manager, il faut comprendre qu'il a avant tout le souci d'anticiper, influencer, façonner les jugements dont il est l'objet.

 

Le manager manageur

Dans la conduite de son action, le manager a le souci de fabriquer de la cohérence, car le défaut de cohérence est, en situation d'incertitude, le premier indice qui déclenche les jugements. Or l'action produit des écarts par rapport à divers systèmes d'attentes, formels et informels, personnels ou collectifs. Par des interprétations, des connections, des mises en scène, le manager mène un travail d'absorption sur ces écarts.

Une grande partie de son attention est orientée vers les autres, notamment ses collaborateurs, non pas tant vers ce qu'ils font que vers ce qu'ils pensent, projettent, ont à l'esprit. Cette "attention à l'attention" est nécessaire dans un environnement marqué par l'ambiguïté, où les formes prédéfinies de coordination sont insuffisantes.

Enfin, le manager est attentif à lui-même : il est en quelque sorte le visage de l'organisation. Ce visage doit être maîtrisé, ce qui implique de maîtriser les éléments qui le composent (notamment, les émotions). Cette maîtrise ne se confond pas avec la froideur et l'impersonnalité : l'humanité est un trait souhaité chez le manager.

Le portrait qui se dessine ici fait du manager une figure bien différente de celle du cadre ou de l'expert, mais qui ne rejoint pas pour autant les modèles de l'entrepreneur ou du leader.