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Evrard samuel Karine

Auteur

Karine EVRARD SAMUEL

 

Résumé

Certains phénomènes observés pendant la phase d’intégration post-fusion présentent des analogies très fortes avec ceux induits par les situations de crise. Ils nous conduisent à distinguer deux étapes-clés dans le processus d’intégration, et à porter un regard nouveau sur les conséquences humaines et organisationnelles de ces opérations en les analysant sous l’angle de la gestion de crise.

La phase d’intégration, qui débute dès que la fusion est annoncée officiellement au personnel des deux sociétés, a donné lieu à de nombreux travaux de recherche, la plupart visant à proposer des actions contribuant à réduire le nombre d’échecs de ce type d’opérations. Ces travaux s’accordent pour dire que le processus d’intégration est la clef de voûte d’une fusion, même si il est perçu par les dirigeants comme étant difficile, incertain et générateur de risques pour les sociétés fusionnées. Ces différentes caractéristiques s’apparentent fortement à des phénomènes observés dans les situations d’exception générant des dynamiques de crise : enjeux considérables, implication d’un grand nombre d’acteurs, problèmes de communication, incertitude extrême, longue durée, etc.

Trois conditions distinguent les crises des situations de gestion dites « normales » : elles engendrent un processus de déstabilisation de l’organisation dont les enjeux sont considérables, elles ont des conséquences à la fois spatiales, temporelles, comportementales et stratégiques, et elles bouleversent le cadre de référence des décideurs, entraînant d’énormes difficultés d’appréhension et de gestion. Ces trois conditions se trouvent réunies dans bon nombre de fusions, notamment lorsque le processus d’intégration vise à rapprocher les deux structures dans un court délai.

De la même façon que la crise entraîne des sentiments de peur qui se traduisent par une inertie considérable, l’annonce d’une fusion, qui peut être considérée comme « l’événement déclencheur » de l’intégration, provoque des changements soudains dans le mental comme dans le comportement des salariés et des cadres. C’est pourquoi cette période qui intervient à très court terme après l’annonce de l’opération peut déjà revêtir les contours d’une situation de crise pour ceux qui la vivent. Nous l’avons qualifiée de période de turbulence organisationnelle.

Cette période engendre un ensemble de problèmes de différentes natures que nous proposons de regrouper en cinq catégories : les problèmes liés aux difficultés de communication ; les problèmes liés aux comportements individuels ; les problèmes liés à la répartition des pouvoirs ; les problèmes organisationnels, liés au rapprochement des structures ; les problèmes culturels.

L’analyse présentée dans cette contribution fait apparaître un lien très fort entre ces cinq catégories de problèmes. Les problèmes culturels qui sont sous-jacents dès le démarrage du processus de fusion (incompréhension, désaccord sur les objectifs de la fusion par exemple) sont à l’origine, d’une part, des difficultés de communication qui émergent lors de la phase d’intégration et, d’autre part, des problèmes de comportement (baisse de l’engagement, perte de confiance, peur du changement), par le bouleversement des repères qu’ils provoquent, notamment les repères culturels et identitaires.

Les problèmes de communication apparaissent comme étant au coeur du processus dans la mesure où la communication permet d’informer les différentes parties prenantes (salariés, clients, actionnaires) des décisions qui sont prises et des changements à venir ou en cours, notamment concernant la structure de la future entité. Lorsque aucune solution satisfaisante n’est trouvée pour anticiper et surtout résoudre ces difficultés, elles sont à même de ralentir fortement, voire de bloquer le processus d’intégration.

Par ailleurs, les problèmes de structure (changement de taille, redistribution des postes) engendrent des problèmes de pouvoir qui ont également inévitablement des répercussions sur les comportements des salariés concernés, de manière directe ou indirecte.

Cette représentation des différentes conséquences humaines et organisationnelles observées suite à une fusion montre que la situation peut rapidement se transformer en cercle vicieux, et donc en crise, si aucune mesure n’est prise pour désamorcer les problèmes.

Cette contribution permet donc d’envisager dans quelle mesure la gestion de crise et les logiques de réponse qui lui sont rattachées peut permettre de mieux gérer les nombreuses ambiguïtés post-fusion, afin de mettre en place un pilotage du changement qui va permettre de réaliser les synergies attendues de l’opération dans les meilleures conditions possibles.