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Boiral Olivier, Dostaler Isabelle

Auteur

Isabelle DOSTALER

Olivier BOIRAL

 

Résumé

Le management des connaissances et la recherche d'une organisation apprenante sont l'objet d'un intérêt grandissant, tant de la part des praticiens que des chercheurs en gestion. La performance des entreprises dépendrait pour une large part de la capacité d'apprentissage et du développement de compétences spécifiques. Les connaissances tacites apparaissent de plus en plus comme une composante essentielle de l'apprentissage organisationnel. Parce qu'il dépend d'expériences pratiques et d'informations circonstancielles, le savoir tacite, qui semble résister aux tentatives de contrôle et de formalisation, peut s'appliquer à des situations très différentes. Cependant, peu d'exemples concrets sur les manifestations de ce savoir implicite, son utilité et son rôle dans l'entreprise ont été développés. De fait, malgré leur caractère très empirique, les connaissances tacites apparaissent le plus souvent comme un savoir caché, mal défini et presque inaccessible.

L'objectif de cet article est d'explorer les applications pratiques des connaissances tacites dans l'organisation. Dans un premier temps, nous définissons les principales caractéristiques des connaissances tacites en montrant leur importance dans la construction d'une organisation apprenante. Dans un second temps, nous illustrons ce concept à partir d'exemples tirés d'une étude empirique sur les déterminants de la performance manufacturière dans l'industrie électronique. En conclusion, nous avançons des recommandations générales quant aux conditions pouvant favoriser la formalisation et le transfert de ce type de connaissances. Nous évoquons également le caractère paradoxal du concept de management des connaissances tacites, celles-ci étant souvent difficiles, voire impossibles à contrôler.

 

LA REDÉCOUVERTE DES CONNAISSANCES TACITES

Si de plus en plus de praticiens tentent de faire leurs entreprises des organisations apprenantes, la signification de ce concept et les moyens concrets pour le mettre en œuvre sont loin de faire l'unanimité L'opérationnalisation du concept d'organisation apprenante se heurte en particulier aux aspects intangibles, personnels et implicites qui forment la face cachée des connaissances organisationnelles. Les principaux débats et enjeux autour de ce thème permettent de mieux comprendre le rôle que peuvent jouer les connaissances tacites dans l'apprentissage organisationnel et l'amélioration de la performance organisationnelle.

L'affirmation de la dimension implicite et subjective de l'apprentissage est une position philosophique très ancienne. Depuis le milieu des années 1990, plusieurs recherches ont porté sur le rôle de ces aspects implicites de la connaissance dans le processus d'apprentissage organisationnel. Ces travaux définissent généralement les connaissances tacites par opposition aux connaissances explicites, plus faciles à formaliser et à transmettre. Cette définition reflète les quatre principales caractéristiques le plus souvent associées aux connaissances tacites dans la littérature sur le sujet : leurs caractères personnel, implicite, difficile à formaliser et leur pertinence opérationnelle.

 

DÉVELOPPEMENT ET PARTAGE DU SAVOIR TACITE DANS L’ATELIER

La prise en compte de cette dimension de la connaissance par les praticiens constitue un défi complexe. En effet, les organisations tendent à privilégier les connaissances explicites et rationnelles par rapport aux aspects plus intangibles ou plus insaisissables du savoir. L'atelier d'assemblage électronique constitue un terrain adéquat pour tenter de comprendre les défis liés à la reconnaissance et au partage de connaissances personnelles dans l'organisation.

Les observations que nous avons réalisées dans le secteur de l’assemblage électronique montrent que les opérateurs développent des connaissances personnelles qui sont intégrées dans des routines, des comportements et des expériences assimilés de façon plus ou moins implicite, connaissances qui peuvent être fort utiles pour l'amélioration de la performance. Nous avons notamment été témoin d’un processus de conversion volontaire du savoir implicite en savoir explicite, dans un contexte industriel où les opérateurs n'ont pas d'autre choix que de s'approprier les objectifs de compétition. De plus, il est apparu que la présence de cloisonnements à l'intérieur de l'organisation peut limiter les effets bénéfiques de cette mobilisation volontaire des connaissances tacites en nuisant à leur diffusion. Il convient de relever le caractère paradoxal du savoir tacite, caractère qui en limite l’étude, la gestion, voire le contrôle. L'exemple de l'atelier d'assemblage montre bien que les connaissances tacites se créent et se communiquent de façon très émergente. Ainsi, il y a lieu de s'attarder à la création d'un contexte organisationnel favorisant et valorisant le partage volontaire de ces connaissances en limitant les facteurs pouvant nuire à leur diffusion.