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Donada Carole, Garrette Bernard

Auteur

Carole DONADA

Bernard GARRETTE

 

Résumé

Notre recherche a pour objectif d’analyser l’impact des partenariats verticaux sur la performance économique des entreprises fournisseurs de l’industrie automobile. Elle vise principalement à évaluer l’apport de l’approche « relationnelle » (Dyer et Singh, 1998), par rapport aux approches traditionnelles de la Stratégie d’Entreprise (Economie Industrielle et « Resource-Based View »), pour étudier le lien entre stratégie coopérative et performance des firmes.

Dans de nombreuses industries, notamment la construction automobile, les partenariats verticaux sont noués à l’initiative des clients donneurs d’ordres qui les imposent à leurs fournisseurs. La plupart des recherches sur le sujet montre que, plus les clients développent des partenariats, plus ils améliorent leur performance. La question qui reste ouverte est de savoir si ces gains se font au détriment des fournisseurs ou si les fournisseurs peuvent eux aussi tirer parti des coopérations pour améliorer leur propre performance.

Plus précisément, nous cherchons à identifier les conditions qui permettent aux fournisseurs de dégager un « gain coopératif » des partenariats qu’ils nouent avec leurs clients. Nous définissons ce « gain coopératif » comme un lien positif entre la rente du fournisseur et l’intensité de sa coopération avec le client. Autrement dit, un fournisseur dégage un gain coopératif s’il se trouve dans une situation où, plus il coopère intensément avec son client, plus il améliore son niveau de profit. L’intensité de la coopération, quand à elle, est définie par le stade d’intervention du fournisseur dans le projet et par son degré de participation aux équipes projet mises en place par le client. Plus le fournisseur est impliqué dans les phases amont de la conception du produit et plus sa présence dans les équipes projet est significative, plus la coopération est considérée comme intense.

Notre point de vue théorique est le suivant : dans les situations de coopération, les deux schémas conceptuels traditionnellement utilisés en stratégie d'entreprise, à savoir l’économie industrielle (Industrial Organisation – IO ; Porter, 1982) et l’approche par les ressources (Resource Based View – RBV ; Rumelt, 1984, 1991 ; Wernerfelt, 1984 ; Barney, 1991), ne suffisent pas pour expliquer les différences de performance entre les entreprises. Pour obtenir une explication plus complète, il faut faire appel à un troisième courant théorique, plus récent, l’approche relationnelle (Peteraf, 1994 ; Dyer et Singh, 1998). L’approche relationnelle suggère qu’au delà de la rente industrielle, liée, d'après l'approche IO, à l’exploitation d’un rapport de force favorable au sein de la filière, et au delà de la rente spécifique à l’entreprise provenant, d'après l'approche RBV, de la valorisation d'un portefeuille de ressources idiosyncratiques, un troisième type de rente doit être examiné : la rente relationnelle. D’après Dyer et Singh (1998), l’impact de la coopération sur les trois sources de rente peut être fortement divergent. Schématiquement, la coopération aurait tendance à réduire la rente industrielle et la rente spécifique à la firme alors qu’elle augmenterait la rente relationnelle. C’est sur la base de cette proposition que nous avons formulé nos hypothèses de recherche.

Nous avons testé ces hypothèses dans un modèle de régression multiple qui explique le gain coopératif par huit variables relevant des trois courants théoriques précités. Les données ont été collectées par questionnaire postal auprès de 299 entreprises fournisseurs de l’industrie automobile.

Nos résultats apportent un support important à l’approche relationnelle. En effet, ils démontrent que les facteurs qui expliquent le mieux les gains coopératifs des entreprises sont ceux qui décrivent l’organisation de la coopération et le caractère interactif de la relation entre les partenaires. Il apparaît notamment que le gain coopératif des fournisseurs est davantage favorisé par la création et la coordination de ressources conjointes (approche relationnelle) que par le niveau et le degré de protection des ressources spécifiques au fournisseur lui-même (RBV).

Enfin, si nos résultats soulignent la pertinence de l’approche relationnelle, ils ne nient pas pour autant le pouvoir explicatif de l’approche traditionnelle en économie industrielle (IO) : plus le pouvoir de négociation des fournisseurs est élevé, moins ceux-ci ont intérêt à coopérer ; en revanche, plus le pouvoir de négociation des clients est fort, plus les fournisseurs ont intérêt à coopérer. Autrement dit, des fournisseurs dominés par leurs clients seraient condamnés à des niveaux de performance faibles si le marché était le seul mode possible d’organisation de la filière, mais ils peuvent générer une rente en créant les conditions favorables à une coopération qui bénéficie aux deux parties.