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Daval Hervé

Auteur

Hervé DAVAL

 

Résumé

L’essaimage s’inscrit dans une logique de réorganisation des grands groupes, qui cherchent à s’adapter aux nouvelles conditions de l’environnement socio-économique en s’appuyant sur leurs ressources internes, et principalement leurs employés. Les objectifs partagés par les entreprises qui utilisent cette pratique tiennent dans une meilleure allocation des ressources existantes, ou une exploitation plus efficiente des compétences disponibles. Les entreprises essaimantes peuvent, par ce processus, conserver dans un réseau de proximité des compétences fondamentales, mais dont l’exploitation en interne ne s’avère pas optimale.

Les modalités de l’essaimage sont nombreuses et répondent à des objectifs très diversifiés. Une typologie couramment admise est celle distinguant l’essaimage « à froid », de l’essaimage « à chaud », en fonction de la situation économique de l’entreprise qui essaime. Alors que la première modalité correspond à un essaimage en douceur, pratiqué dans des conditions de concertation optimales, la seconde option s’inscrit dans le cadre de restructurations économiques menées dans l’urgence. Cette distinction semble peu précise et ne rend compte que de manière très éloignée des réalités actuelles de l’essaimage. Une typologie plus complète, construite à partir des résultats de l’analyse d’un questionnaire envoyé aux dirigeants de 92 grands groupes français, nous a permis de mettre en évidence les formes d’essaimage suivantes : extrapreneuriat, externalisation d’activités, satellisation de PME sous-traitantes, essaimage compétitif, essaimage de projets et essaimage de conversion. Cette typologie opérationnelle se base sur trois variables pertinentes : la proximité entre l’activité de la nouvelle entité et celles de la société source, la nouveauté de l’activité et l’initiateur du projet de création d’entreprise.

Afin de mieux comprendre et expliquer les logiques suivies par les différents acteurs au cours du processus de création, nous nous sommes appuyés sur le modèle des ressources et des compétences. Cette approche nous a notamment aidé à analyser le comportement des groupes essaimants dans leur démarche d’accompagnement des salariés-entrepreneurs. Elle permet de définir une firme « à partir de ce qu’elle est capable de faire », en s’appuyant sur les actifs, tangibles ou tangibles, spécifiques à l’entreprise qui vont lui conférer un avantage concurrentiel. La théorie des compétences fondamentales, développée par Prahalad et Hamel, met en évidence le rôle joué par les compétences dites fondamentales qui permettent de différencier l’entreprise de manière stratégique. Ces actifs admettent différentes caractéristiques : elles sont difficilement imitables, substituables et échangeables. Parmi ces compétences, les ressources intangibles, et principalement celles détenues par les individus apparaissent comme les plus stratégiques. Aussi, les entreprises se doivent de les exploiter de manière efficiente. Dans une telle optique, l’essaimage apparaît comme une option pertinente. Cette pratique offre aux entreprises l’opportunité de valoriser ses compétences humaines, en favorisant l’émergence des capacités non encore exploitées. En facilitant la création d’entreprises par leurs salariés, les grands groupes poursuivent un double objectif : (1) ils développent en externe des compétences mal exploitées en interne, ou qui ne sont pas fondamentales pour le métier de la firme, (2) ils s’assurent une conservation indirecte de ces ressources spécifiques en créant un réseau de compétences autour d’eux. Ces actifs sont ainsi gérés de manière efficiente dans de petites structures autonomes, à forte réactivité, mais demeurent disponibles pour l’entreprise source.

Le groupe Thomson utilise l’essaimage sous la forme d’externalisations d’activités. L’objectif est essentiellement de favoriser le développement économique du groupe, en apportant des solutions novatrices aux bassins d’emplois industriels en crise.

Le processus suivi voit la sortie du groupe Thomson d’une de ses activités connexes, qui est adossée à une petite entreprise dont c’est le métier. Elle s’appuiera sur les synergies entre les ressources dont elle dispose et les compétences qu’elle intègre pour pérenniser cette activité. On assiste ainsi à un transfert de ressources entre deux entreprises, source d’avantages concurrentiels durables.

Une étude basée sur des entretiens réalisés avec les dirigeants de la société de reconversion du groupe Thomson, et menée parallèlement avec des essaimés, nous a permis de modéliser le processus d’essaimage mis en oeuvre, et de définir avec précision les différentes étapes de l’externalisation. Cet article offre une vision concrète de l’essaimage au sein d’un grand groupe industriel français, et permet, grâce à une approche par les ressources, de mieux comprendre le phénomène et de favoriser une mise en oeuvre stratégique de cette forme d’essaimage.