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Charles martinet Alain, Reynaud Emmanuelle

Auteur

Alain Charles MARTINET

Emmanuelle REYNAUD

 

Résumé

Cet article traite des stratégies de protection de l'environnement. Il présente un cadre d'analyse cherchant à formaliser les relations entre les facteurs réels ou perçus de « dégradation » de l’environnement, les acteurs qui les expriment, les comportements de consommation et les stratégies d’entreprises. Un cas particulier a été étudié, celui où les entreprises considérées ne sont pas a priori les pollueurs mais modifient leurs comportements stratégiques et bénéficient de l’intérêt accru des consommateurs ou de l’opinion publique à l’égard des questions d’environnement. Le secteur des eaux en bouteille en constitue une excellente illustration.

 

ANALYSE THEORIQUE

Les décisions de prise en compte de l’environnement des entreprises ainsi que les comportements des acteurs qui affectent celles-ci sont profondément contextuels. Même si dans les pays riches, les tendances lourdes montrent clairement une exigence accrue des clients et des opinions publiques et des entreprises de plus en plus concernées, il subsiste de très grandes disparités selon les activités, les secteurs et les régions du monde. De façon très schématique, on peut styliser quatre problématiques susceptibles de servir de référentiel. 1- L'entreprise est strictement "en marché", le consommateur ne s'intéresse pas à d'éventuelles externalités. 2- L'entreprise est face à un consommateur averti qui la pousse à l'internalisation. 3- L'entreprise est face à un grand nombre d'acteurs aux préoccupations environnementales croissantes. 4- Une quatrième configuration semble émerger quand certains actionnaires institutionnels introduisent le critère de la performance écologique dans leurs processus d’évaluation.

Les entreprises adoptent donc des manières plus ou moins actives de gérer l’incertitude environnementale (liée à l’évolution de la législation ou de la demande). Tandis que certaines choisissent une attitude attentiste en l’absence de données suffisantes, d’autres préfèrent se préparer à l’évolution future, d’autres vont même jusqu’à tenter d’influencer cette évolution.

 

LE CAS DES EAUX EN BOUTEILLE

Grâce à des entretiens consommateurs et à l'analyse documentaire des stratégies des entreprises du secteur des eaux en bouteille, les auteurs ont mis en évidence les liens unissant révélateurs, demande et offre. L’analyse d’une cinquantaine d’articles (de 1992 à 1999) issus de journaux d’affaires a permis de mettre en évidence les principaux facteurs ou révélateurs à l’origine d’une modification de l’environnement concurrentiel des eaux en bouteille. La protection de l'environnement tient le rôle principal.

Une enquête conduite auprès de 77 consommateurs d’eau en bouteille a permis de comprendre la perception des demandeurs. Goût, santé et pollution détiennent une place clé dans la non consommation d'eau du robinet.

Depuis 1995, les manoeuvres stratégiques dans le secteur des eaux en bouteille exploitent la crainte des pollutions.

Cristaline pour les premiers prix et Evian pour les grandes marques sont les grandes gagnantes de l'explosion du marché des eaux en bouteille. Dans le secteur des eaux en bouteille en mutation, Cristaline tire son épingle du jeu grâce à la conduite d’une stratégie novatrice. Ainsi, la conduite d'une alliance additive entre deux challengers permet de répondre à la globalisation du marché. La stratégie basée sur les coûts ne néglige par la qualité perçue par le consommateur grâce à une présence publicitaire importante.

La stratégie d'Evian est basée sur la valeur perçue. Incontestable « créateur » du marché français des eaux en bouteilles, Antoine Riboud avec BSN puis le groupe Danone jouent dès l’origine une stratégie de différenciation fondée sur « le miracle géologique » qui offre un processus de production naturel de 800 m de dénivelée et d’une durée de 15 ans sans le moindre filtrage depuis les drains jusqu’à la bouteille. Soucieux de ne pas trop tirer sur la source pour ne pas risquer de compromettre la qualité bactériologique, Danone joue ainsi en France un positionnement haut de gamme et à l’étranger une politique de prix de luxe qui jusqu’à présent ont été récompensés par une marge opérationnelle proche de 20%, la première du secteur.

L'étude des stratégies de Cristaline et d'Evian souligne la nécessité de l'argument qualité pour rassurer les consommateurs. Le prix ne peut être actionné seul à la baisse sous peine d'affoler des consommateurs percevant déjà un risque.