Auteurs
Philippe VERY
Louis HEBERT
Paul BEAMISH
Résumé
Peu de recherches ont étudié comment les firmes multinationales utilisent leur expérience lorsqu’elles s’implantent à l’étranger. Selon le modèle dénommé « projection du savoir », la connaissance utile, concentrée au centre de la multinationale, peut être mise au service de la périphérie. De fait, le transfert de l’expérience accumulée par la multinationale sur ses industries et ses pays d’implantation peut a priori augmenter les chances de succès lors de la création de nouvelles filiales. Toutefois, les recherches passées, aux résultats parfois contradictoires, nous renseignent peu sur la véracité de cette relation. L’analyse de ces travaux qui ont tenté d’expliquer le succès des filiales nous incite à conclure que les chercheurs ont étudié, non pas par le transfert d’expérience, mais le potentiel de la multinationale à accumuler de l’expérience. Puisqu’il s’agit de déployer des savoirs en grande partie tacites, un mécanisme de transfert opportun est l’expatriation d’experts qui feront bénéficier la filiale de la connaissance centrale possédée par la multinationale.
C’est pourquoi cet article examine les conditions dans lesquelles l’envoi d’expatriés peut augmenter
les chances de succès des filiales à l’étranger.
A partir d’une étude empirique analysant le lien entre pratiques et performances des multinationales japonaises, notre recherche montre que les chances de survie augmentent dans des conditions d’expatriation précises. Les chances de succès dépendent de la spécificité de l’expérience transmise, de la complexité du savoir véhiculé et de la similarité perçue entre les contextes d’application des connaissances. Ces résultats nous interrogent sur l’intérêt d’envoyer systématiquement des expatriés pour transférer une connaissance centrale dans les filiales étrangères. Par conséquent, ils mettrent en doute l’intérêt économique du modèle « projection du savoir », répandu au sein de nombreuses multinationales.
Auteurs
Valérie MOATTI
Pierre DUSSAUGE
Résumé
La relation taille – performance a fait l’objet de nombreux travaux en économie et en stratégie, notamment sous les deux angles majeurs des économies d’échelle d’une part, et du pouvoir de marché d’autre part. A la fin des années 60, cette approche a notamment donné naissance à la fameuse « courbe d’expérience » du Boston Consulting Group, mais a, depuis, généré peu d’intérêt chez les chercheurs en stratégie. Dans le même temps, de nombreux travaux se sont penchés sur les fusions-acquisitions d’une part, et les alliances stratégiques d’autre part. Or, dès lors que ces manoeuvres stratégiques concernent des entreprises appartenant au même secteur d'activité, elles produisent de manière quasi-automatique un effet de taille. Les études existantes sur les fusionsacquisitions
comme sur les alliances reconnaissent bien que la croissance, et à travers elle les effets de taille, sont l'un des objectifs poursuivis dans certaines de ces opérations. Pourtant, ces travaux s'attachent davantage à comparer les performances de différents types de fusions-acquisitions ou alliances entre eux qu'à comparer les effets de taille obtenus par fusion-acquisition ou alliance à d'autres modes de croissance, c'est-à-dire à d'autres moyens d'atteindre une taille équivalente, à savoir la croissance organique.
L'objet de la présente recherche est au contraire d'analyser l'impact du mode de croissance choisi par une entreprise sur les effets de taille obtenus du fait de cette croissance. Nous apportons, dans cette recherche, une première contribution à la fois théorique et empirique sur la question de l’influence du mode de croissance sur le lien classique taille-performance. La réflexion théorique nous amène à formuler une série d’hypothèses sur les bénéfices comparés de chacun des modes de croissance sur les deux effets principaux de la taille : économies d’échelle et pouvoir de marché.
Plus spécifiquement, nous proposons que la croissance interne permet une performance accrue par rapport aux fusions-acquisitions à la fois au niveau global et face à la réalisation d’économies d’échelle. Concernant les alliances, nous anticipons qu’elles permettent une amélioration globale de la performance ainsi que des effets accrus sur le pouvoir de marché par rapport à ce que la taille de chacune des entreprises impliquées dans l’alliance, supposerait. A l’inverse, nous anticipons que les alliances ne parviennent à atteindre ni le niveau de performance global, ni l’ampleur des économies d’échelle d’une entreprise qui aurait acquis la taille cumulée des partenaires par un autre mode d’expansion.
Les résultats empiriques, statistiquement obtenus à l’aide d’un échantillon de 54 entreprises appartenant au secteur de la grande distribution au niveau mondial, sur une période de 17 années (1984-2001), confirment l’influence générale de la taille sur la performance, la supériorité globale de la croissance interne par rapport aux fusions-acquisitions, ainsi que la capacité des alliances à générer un pouvoir de marché accru. Contrairement à nos attentes, les fusions-acquisitions améliorent les économies d’échelle.