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Appel à communication - Conférence "Anthropocène et Organisation" - 15 Mars 2024 - ESC Clermont Business School

APPEL A COMMUNICATION

CONFÉRENCE ANTHROPOCÈNE ET ORGANISATION
“Pratiques de travail et outils de gestion dans l’Anthropocène.
Une nouvelle praxis pour des habitabilités futures“,

les 19,20 et 21 juin 2024 à l'ESC Clermont Business School

EN PARTENARIAT AVEC LA REVUE DE L’ORGANISATION RESPONSABLE (DANS LE CADRE DE LA PUBLICATION D’UN NUMÉRO SPÉCIAL)

Que savons-nous des pratiques organisationnelles concrètes, confrontées au quotidien aux manifestations de l’Anthropocène ? Comment embrasser non plus seulement des efforts pour projeter une idéalité désirable, mais les désorientations effectives, les déplacements et les perplexités qu’éprouvent les managers et les peuples pris dans les écologies matérielles de la technosphère ? Comment apprendre à regarder ces expériences souvent marginalisées, et en rendre compte, au sein des organisations et des situations de travail concernées ? Il s’agit de décrire cette expérience et ce vacillement dans toute leur épaisseur, dans leurs dimensions les plus tangibles et sensibles (Chateauraynaud et Debaz, 2017) qui attestent la précarité des conditions d’existence mêmes des organisations, des individus et des pratiques de travail. Cet engagement à repenser les appuis, les écologies et les formes de l’action collective, interroge les possibilités de vie depuis des instrumentalités gestionnaires et des pratiques de travail toujours susceptibles de vaciller. Aussi, les approches pragmatistes, décoloniales et féministes de l’organisation, semblent-elles particulièrement
avisées, pour plonger dans l’épaisseur des outils, des pratiques de travail et des infrastructures en prise avec les mutations palpables de l’Anthropocène.
En sciences de gestion, un certain nombre de tournants - pratique, sociomatériel, processuel… (de Vaujany et al. 2019) - ont déjà permis de mieux documenter les dimensions matérielles de l’activité collective, en rematérialisant les outils et les pratiques de gestion, en soulignant leurs façons de rendre visible et de “faire compter” des êtres ou entités invisibilisés qui participent à l’activité organisante. Les théories des organisations tendent en effet à “pétrifier” les pratiques de travail (Barley et Kunda, 2001), en marginalisant les aspects techniques perçus comme subalternes, comme la logistique, la gestion des infrastructures, la maintenance, les ateliers de production constituants une écologie à part entière. L’attention croissante aux infrastructures a ouvert la voie à des analyses féministes et décoloniales des stratégies écologiques des organisations (Banerjee et BerrierLucas, 2022 ; Ezvan, L’Huillier, et Renouard, 2022). Comment ces perspectives alternatives d’analyse et d’enquête interrogentelles les impératifs de justice sociale depuis les situations des peuples quotidiennement en prise avec les écologies mouvantes, notamment dans les activités de logistique, d’entretien ou de maintenance ? Comment les sciences de gestion et les sciences sociales se saisissent-elles de cet enjeu de prendre soin de la matérialité des infrastructures à l’heure où l’Anthropocène la rend éminemment problématique (Denis et Pontille, 2022) et en bouleverse les formes d’appréciation ou de valuation (Dewey, 2011) ?
Historiquement, les outils de gestion ont été analysés en termes d’efficacité organisationnelle et managériale, ou depuis leur rôle dans la production de nouvelles formes de cadrage ou de gouvernementalité (Aggeri, 2021). L’Anthropocène et les changements systémiques qui l’accompagnent bouleversent l’étude des pratiques organisationnelles (Olsson et al., 2017).
L’objet de cet appel vise ainsi moins à adapter les pratiques ou l’instrumentalité de gestion à l’Anthropocène, ou à les en émanciper, qu’à les appréhender depuis les situations troublées, où s’inventent des manières de répondre et des capacités de réponses (au sens de la “response-ability” évoquée par Haraway), c’est-à-dire depuis des “réserves de devenirs” pouvant nourrir des processus d’individuation (Bidet et Macé, 2011). Cet apprentissage et ce discernement semblent indispensables à la prise en compte de l’Anthropocène dans le monde organisé, invitant à examiner “conjointement les formes de consentement et de contrainte, les processus d’apprentissage et de création normative, en suivant les pratiques de travail et les arrangements locaux qui modèlent des mondes de production aux frontières incertaines” (Bidet et Rot, 2014).

SANS EXCLUSIVITÉ, ON POURRA S'INTÉRESSER AUX THÉMATIQUES SUIVANTES :

L’ÉCOLOGISATION DES PRATIQUES DE TRAVAIL.
Quelles sont les possibilités d’alliances entre les travailleurs défendant leurs emplois ou le sens de leur engagement dans le travail et les collectifs aspirant à une reconversion écologique de l’économie et des organisations ? Ces enquêtes nourrissentelles des propositions de reconception des outils de gestion ? Avancent-elles d’autres façons de valuer les activités ? Comment une telle écologisation des pratiques peut-elle composer des liens de consistance entre le vivant et les « ruines du capitalisme » (Tsing, 2017), que ce soit à travers le travail animal (Barua, 2019 ; Blattner et al., 2019 ; Porcher, 2011, 2017 ; Porcher & Estébanez, 2019 ; Lainé, 2020 ; Mouret, 2018), le travail non humain ( Besky & Blanchette, 2019), microbien (Helmreich, 2011 ; Paxson, 2008 ; Krzywoszynska, 2020), métabolique (Beldo, 2017) ou bien encore celui des plantes (Kazic, 2019 ; Ernwein et al., 2021) ? Enfin, comment éclairer les formes de compétences, et les façons de voir le monde, que cultive l'écologisation du travail et des activités, sans pour autant invisibiliser les pressions collectives exercées par les modes de production, l’instrumentalité et les conditions de travail (Bidet et Rigoulet, 2023) ?

TROUBLES DANS LES INSTRUMENTS DE GESTION.
Comment l’Anthropocène et les savoirs scientifiques associés contribuent-ils à mettre à l’épreuve certains outils de gestion ? De quelles manières l’Anthropocène en vient-elle à favoriser l'élaboration de nouveaux outils et pratiques propres à faire atterrir (Latour, 2018) et à rediriger (Bonnet et al., 2021) les instruments de gestion ? Comment peut-elle remettre en cause des pratiques et des outils qui favorisent la domination de populations et la prédation des écosystèmes ? Il s’agit par exemple de repenser les pratiques comptables à l’aune des défis portés par l’Anthropocène, en montrant comment de nouvelles façons de compter et de rendre compte émergent, qui aspirent à repenser le contrôle et le pilotage organisationnel (Bebbington et al., 2019 ; Bebbington et Larrinaga, 2014), allant jusqu’à lui substituer le modèle de l’enquête (Lorino, 2020).

 

 


DESIGNS ORGANISATIONNELS ET POST-ORGANISATIONNELS POUR LES TERRITOIRES DE L’ANTHROPOCÈNE.
Le design organisationnel (par exemple le “star model” de Galbraith) s’est longtemps focalisé sur les leviers (ressources, stratégie, structure…) du maintien en existence d’une organisation. Comment, dans un effort de décentrement, élargir non seulement la gamme des acteurs, mais aussi celle des territoires affectés par les manifestations de l’Anthropocène ? Si on peut classiquement aborder une station de ski confrontée au changement climatique comme une organisation qu’il s’agit de défendre face à la disparition de la neige, on peut également la saisir comme un nouvel agencement territorial qui ne dépend plus seulement d’une organisation ou d’une ressource particulière, où coexistent de multiples manières de vivre. Quels designs organisationnels et post-organisationnels imaginer pour des territoires dont l’habitabilité et la subsistance sont menacées : territoires sentinelles (Blanchon et al., 2019), territoires fantômes incarnant les ruines héritées du capitalisme (Tsing et al., 2017). Il s’agit moins là d’identifier une nouvelle forme d’organisation de l’Anthropocène, telle une métaphore, que
d'expérimenter et de concevoir des protocoles démocratiques, des outils de diagnostics, et de donner à voir une pluralité de savoirs situés.

Atelier ROR (Revue de l'Organisation Responsable)

Un atelier Spécial ROR (Revue de l’Organisation Responsable) est organisé dans le cadre du colloque le 20 JUIN 2024. Il imposera l’envoi des communications complètes au plus tard le 15 AVRIL 2024. La participation à ce workshop ne garantit pas une publication dans le numéro spécial et des articles n’ayant pas été présentés au workshop pourront rentrer dans le processus de soumission du numéro spécial. Le workshop est un espace qui permettra de faire progresser les papiers présentés et de rencontrer les éditrices et éditeurs invité.es.

Appel à contribution pour le numéro spécial de la Revue de l’Organisation Responsable

Au-delà des récits de l’Anthropocène, ou de ses alternatives désirables, comment rendre compte de la pluralité des prises matérielles et des réponses sensibles qui émergent ? Depuis les situations de travail où ces bouleversements se donnent à voir au-delà de toute optique « solutionniste », il s’agit d’accueillir et de qualifier ces troubles : à quelles pratiques de travail, quels apprentissages, quelles remises en cause d’instruments de gestion échoués, quelles pratiques épistémiques renouvelées ou alternatives ? De quelles manières les pratiques de gestion s’en trouvent-elles déplacées, vers d’autres trajectoires et contribuent-elles à forger des capacités de  réponse ? L’Anthropocène s’est imposé depuis quelques années comme une
préoccupation pour les communautés académiques en sciences sociales et plus récemment en sciences de gestion. Les contributions se multiplient, manifestant la nécessité de prendre en compte de nouvelles entités, irréversibilités et discontinuités dans le monde organisé. Enquêter sur les organisations dans l’Anthropocène appelle à dépasser une “pensée
globale” (Chateauraynaud et Debaz, 2017) pour considérer des pratiques de gestion qui se laissent affecter par « l’enchevêtrement dense de malaises et d’hésitations que nous imposent les situations ‘terrestres’ (worldy), sans demander à une théorie ou à un principe de définir une position ‘innocente’, n’ayant pas à ‘répondre’ pour ses conséquences. » (Stengers, 2014).
On peut distinguer schématiquement deux façons d’appréhender les enchevêtrements entre Anthropocène et organisations : une approche latérale, où l’Anthropocène constitue un objet extérieur et contingent s’imposant aux organisations ; et une approche verticale, dans laquelle l’Anthropocène fait irruption au sein de celles-ci, affectant les conditions de possibilités mêmes des pratiques et des situations de travail (Ergene et al. 2018). Cette seconde optique suggère que les organisations et le monde organisé ont affaire à une mutation écologique inédite et profonde (Bonnet et al. 2021), nécessitant “d’apprendre à observer autrement et à poser des questions différentes qui facilitent l'imagination et la création de nouveaux modes de vie, au-delà des intérêts du marché et des préoccupations anthropocentriques” (Ergene et al., 2021).
Cet appel invite donc à ne pas réduire l’Anthropocène à un ensemble de phénomènes ou à un environnement contingent perturbant les organisations - telle par exemple une crise épisodique, gérable et  surmontable - mais à prendre au sérieux notre entrée dans une nouvelle ère géologique où n’est plus garantie la continuité de la plupart des formes de vie. L’usage du mot « Anthropocène » n'empêche pas d’inclure dans les enquêtes d’autres manières, y compris critiques, de qualifier le trouble (Capitalocène, Thanatocène, Androcène etc.). Ces mutations, dans la mesure où elles concernent l’ensemble de nos écologies matérielles et relationnelles nous demandent d’aborder autrement le devenir des organisations, leurs modes d’existence et leurs capacités à faire perdurer ou non certaines de leurs activités, en posant la question des renoncements à anticiper, autant que de leurs conditions et de leurs modalités d’accomplissement.

DATES DE SOUMISSION :

15 mars 2024 : CONFÉRENCE

15 avril 2024 : ATELIER ROR

Les soumissions (pour la conférence ou l’atelier) devront être anonymisées, rédigées en police 12 Times New Roman, double interligne.
La page de garde (séparée) indiquera le titre de la communication, les auteurs, et leurs affiliations et adresses mails.
• Communications pour la conférence : 3000 mots
• Communications pour l’atelier ROR : les textes ne devront pas excéder les 10000 mots hors bibliographie hors annexes (voir les consignes éditoriales :
https://www.cairn.info/docs/ROR_recommandations_aux_auteurs.pdf)

Les soumissions (conférence ou atelier ROR) doivent être envoyées aux adresses suivantes:

emmanuel.bonnet@esc-clermont.fr
sophie.marmorat@esc-clermont.fr 

Emmanuel Bonnet - emmanuel.bonnet@esc-clermont.fr
>> Programme (pdf) Picto_pdf