Auteur
de Bovis Camille
Résumé
Cette recherche s’appuie essentiellement sur les travaux traitant de la fiabilité organisationnelle extrême (High Reliability Organisation, HRO) principalement exposés par Karlene Roberts (1990). L’existence de la haute fiabilité organisationnelle s’explique grâce à la résilience de certaines organisations hypercomplexes. Les principes de fonctionnements collectifs sont considérés comme primordiaux. Parmi le vaste champ sémantique développé sous le vocable HRO, la notion d’attention vigilante (Weick & Roberts, 1993 ; Weick, Sutcliffe & Obstfelt., 1999) apparaîtra comme concept essentiellement étudiée dans cette recherche. Nous tenterons de comprendre l’articulation entre l’interaction vigilante et la vigilance à la situation. L’action, perpétuellement mise à jour en temps réel, sert l’implication adéquate dans la durée. La fiabilité requiert plus qu’une performance ponctuelle, elle s’inscrit dans une continuité dynamique.
La théorisation traitant des HRO se veut articulée de manière pragmatique. La volonté d’un lien fort à l’aspect concret guide la plupart des publications sur le sujet. Elles sont donc généralement basées sur une étude de terrain poussée. Ce travail, s’inscrivant dans une telle lignée, a été issu de trois études de cas, menées en profondeur, selon le model de la « Théorie Enracinée » (Lincoln & Guba), dans des théâtres lyriques. Chaque organisation a fait l’objet d’une étude qualitative double grâce à l’analyse : d’entretiens semi-directifs et d’observations directes. Cette recherche menée selon les principes de l’anthropologie américaine permet de lier l’analyse des modes de pensée et des modes d’action des êtres humains. Une posture émique a été choisie pour accéder au plus près du monde observé.
Nous chercherons par la comparaison de plusieurs incidents, et la manière dont l’organisation va les prendre en compte, à effectuer une identification d’éléments de fiabilité. Mais aussi à identifier des zones critiques au regard des dimensions de la provenance, la prévisibilité et la détection des incidents et leur incidence sur l’action « en direct ».
Auteurs
Babeau Olivier
Chanlat Jean-François
Résumé
Cet article théorique cherche à réhabiliter le rôle de la transgression des règles dans l’organisation. Critiquant la condamnation systématique de tout phénomène transgressif par les sciences de gestion, nous cherchons à montrer qu’une partie du phénomène ne doit pas être comprise comme une pathologie de l’organisation, mais bien comme un élément de son fonctionnement normal.
Nous mobilisons les cadres théoriques de l’analyse stratégique (Crozier et Friedberg) et de la théorie de la régulation conjointe (Reynaud) pour montrer combien l’acte transgressif peut avoir une dimension positive dans le fonctionnement organisationnel. Il est possible de mettre en évidence en particulier le fait que la transgression joue dans l’organisation le rôle de conciliateur des contraintes contradictoires des organisations.
Auteurs
Latiers Mélanie
Jacques Jean-Marie
Résumé
La recherche dans le domaine des situations d’urgence et de crise insiste de façon récurrente sur les aspects lacunaires de la communication et de la coordination dans la gestion de ces situations. Nous émettons de plus l’idée qu’il existe une lacune en matière de cadre et de méthode d’analyse pour étudier de manière fine les processus de coordination dans l’urgence.
Cet article propose une analyse des processus de coordination qui prenne en compte l’aspect multisites, multidisciplinaire et dynamique des situations d’urgence et de crise. La méthodologie adoptée, basée sur une récolte de données audio et vidéo en situation d’exercice/simulation, nous permet d’identifier les dimensions de la coordination. Les situations étudiées dans cet article sont qualifiées de situations d’urgence et non de crise, étant donné leur caractère prévisible et « programmé » ; les exercices/simulations étant destinés à préparer une crise éventuelle. Nous nous intéressons à l’urgence dans le cadre d’une préparation à la gestion de crise, ce qui nous amène à pouvoir transférer nos résultats à la gestion de ce dernier type de situations, avec certaines nuances. Les concepts d’urgence et de crise sont donc liés.
Notre approche, inspirée par la théorie de l’action située (Suchman, 1987), se devait de collecter des données in situ. Etant donné que les situations que nous étudions ne sont accessibles au chercheur qu’a posteriori, à travers les récits reconstruits par les acteurs, les simulations ou exercices nous paraissent un terrain approprié pour analyser les organisations mises en place.
Le travail d’articulation est introduit comme concept clé. Utilisé notamment dans le domaine hospitalier, dont l’organisation comporte des similitudes fortes avec notre objet de recherche, ce concept est analysé selon trois dimensions : sociale, écologique et institutionnelle. Nous nous focalisons principalement sur les aspects « multisites » du travail d’articulation, en nous centrant sur la coordination à distance, ce qui nous permet de décrire de façon dynamique les liens entre individus et organisations à distance.
Auteurs
Gand Sébastien
Béjean Mathias
Résumé
Les fonctions managériales cristallisent une tension fondamentale dans les entreprises démocratiques, telles que les coopératives, dont le projet originel s’est construit sur le rejet de la hiérarchie managériale « classique » et la volonté affichée de s’organiser démocratiquement. Les dégénérescences observées dans ce type d’organisation, qu’elles soient dues à un échec économique ou à un abandon du fonctionnement démocratique, mettent en lumière l’enjeu majeur que constitue la conception de fonctions managériales adaptées à de telles entreprises. Pour qu’il soit fécond, un tel constat implique de dépasser les approches actuelles essentiellement fondées sur l’importation unilatérale de fonctions managériales « classiques ». Nous examinons cette problématique à travers deux études de cas longitudinales approfondies dans des entreprises démocratiques confrontées à des besoins d’évolution de leurs fonctions managériales. Cette démarche nous permet de faire émerger de nouvelles perspectives sur le management des entreprises démocratiques. Il apparaît en particulier que la conception de fonctions managériales articulées à des « espaces de participation » semble pertinent pour, d’une part, dépasser une logique démocratique réduite au contrôle des managers et, d’autre part, susciter des dynamiques d’apprentissages collectifs. Cette démarche permet à la fois d’enrichir la pertinence du management de l’activité et de ‘régénérer’ le fonctionnement démocratique de ce type d’entreprises. Dans une dernière partie, nous apportons des éléments de théorisation, montrant, dans la lignée des travaux de M.P. Follett, le besoin d’une vision ‘intégratrice’ et ‘expansible’ du management dans des contextes démocratiques.
Auteur
Béjean Mathias
Résumé
Dans cet article, nous présentons une étude qualitative longitudinale d’une entreprise qui opère dans la création de jardins artistiques. L’analyse de la genèse puis de la croissance de cette entreprise révèle l’existence d’un processus original de « co-génération » entre les pratiques artistiques et les pratiques managériales. Les résultats de cette recherche empirique mettent en lumière l’apparition de questions managériales spécifiques et jusqu’ici laissées de côté par la littérature classique en « gestion des arts ». En effet, les recherches passées ont négligé l’étude des fonctions de conception de la firme artistique et le modèle managérial traditionnel qui en a découlé repose sur une théorie avant tout administrative de la « gestion des arts » et sur une conceptualisation de « liens faibles » entre artistes et managers, souvent ramener à une « cohabitation ». Or, d’une part, les fonctions de conception sont cruciales dans ce type d’univers et ne peuvent pas être uniquement administrées à partir des grilles classiques du management industriel. Et d’autre part, l’étude des fonctions de conception révèlent un type inédit de « liens forts » entre pratiques artistiques et managériales qui suggèrent un modèle de la « co-génération ». Nos résultats confirment donc la nécessité d’une nouvelle perspective qui s’ouvre à l'examen des activités de conception artistiques. Sur la base de ce constat empirique et à partir des éléments de terrain observés, nous développons ensuite des arguments théoriques en faveur d’un management « conceptif ». Une théorie des formes de symbolisation nous permet de saisir la nature des « langages de l’art » (Goodman 1990) ainsi que la « manière de faire des mondes » (Goodman 1992) dans ces univers. Puis nous établissons la potentielle contribution d’une théorie de la conception (Hatchuel 1996; Hatchuel et Weil 2002) à la compréhension de la gestion des entreprises artistiques. Nous concluons sur des recommandations pour des recherches futures.