Auteurs
Ansiau D.
Dejoux C.
Dherment I
Bergery L.
Wechtler H
Résumé
Cet article étudie les relations entre les émotions et les processus de décisions. Plus précisément, il examine les liens entre l’Intelligence Emotionnelle (IE) et les biais décisionnels. La première partie présente une revue de littérature sur le rôle des émotions et des biais décisionnels. Elle montre que les émotions et les processus de décision sont enchevêtrés et, plus particulièrement, dans des situations d’incertitude et de contraintes de temps (i.e., Mayer & Salovey, 1997; Loewenstein, Weber, Hsee, & Welch, 200). La deuxième partie est construite autour d’une étude exploratoire quantitative. L’objectif consiste à tester l’hypothèse centrale de cette recherche, à savoir que un niveau élevé d’Intelligence Emotionnelle permet de diminuer la suggestibilité aux biais décisionnels ». L’Intelligence Emotionnelle est mesurée à partir de l’échelle de Schutte (Schutte Self Report Emotional Intelligence Scale, SSREI, Schutte et al., 1998) possèdant un niveau de validité interne élevé. Différents biais cognitifs ont été mesurés grâce à un questionnaire comportant plusieurs items. L’échantillon sélectionné est composé de 108 managers français venant actualiser leurs connaissances en ressources humaines dans le cadre d’une formation continue au CNAM de Paris (2006). Nos résultats suggèrent que, globalement, l’Intelligence Emotionnelle peut avoir un effet modérateur sur les biais cognitifs. Néanmoins, cet effet n’est pas uniforme et se manifeste différemment selon la dimension de l’Intelligence Emotionnelle prise en considération. Une discussion est proposée afin de préciser les limites de notre étude et d’évoquer de possibles pistes de recherches.
Auteurs
Grandval Samuel
Soparnot Richard
Résumé
Le management stratégique et les travaux des théoriciens des compétences dynamiques donnent au dirigeant la capacité d’influencer la performance de l’entreprise. Ils ouvrent ainsi la voie à des réflexions sur la manière dont il façonne l’avenir de la firme. De nombreuses notions comme la vision, l’acuité stratégique, la capacité de clairvoyance témoignent de la volonté de mieux cerner ce que Lauriol (1998) nomme des ressources socio-cognitives. Cette aptitude renvoie à une capacité du manager à comprendre, concevoir, représenter le contexte afin de pouvoir s’y adapter et/ou le construire. Cela revient à valoriser une forme de pragmatisme managérial, voire un management intuitif. L’intuition serait alors une connaissance préalable des évènements futurs. Elle serait assimilée à l’aptitude de percevoir des évènements avant qu’ils ne se produisent. Parallèlement, elle qualifie un dirigeant, un entrepreneur, en référence à ses décisions. Selon Shapiro et Spence (1997), l’intuition est « un processus holistique, non conscient, dans lequel les jugements sont portés sans compréhension des règles ou du savoir mobilisé pour l’inférer et qui peut entraîner un sentiment de certitude, malgré l’impossibilité d’en justifier la raison ». Elle se caractérise donc par trois dimensions centrales : la vitesse d’exécution (par opposition aux décisions à fort contenu analytique), l’inconscience (par opposition aux décisions dont les structures sous-jacentes apparaissent logiques pour le sujet) et la confiance dans la décision (issue d’un sentiment de certitude très fort quant à l’occurrence de l’évènement qui la justifie). Ainsi, si le thème est très populaire du coté des managers, il l’est moins dans le monde académique (Walach et Schmidt, 2005), et en particulier en science du management. Le concept d’intuition demeure vague et souffre d’un manque de fondement conceptuel. L’objet de ce présent papier est d’expliquer à travers différentes théories ce que l’on peut appeler « intuition managériale » et d’essayer de démonter les rouages du mécanisme d’intuition. La constitution d’un cadre théorique propre à cerner cette notion permettra d’échapper à son habituelle acception ésotérique. Pour ce faire, l’apport théorique de différents champs disciplinaires est examiné afin de donner un fondement théorique à l’intuition. Tout d’abord, nous voyons dans quelle mesure la théorie de la cognition managériale contribue à expliquer cette notion. Puis, nous analysons les travaux de la psychophysiologie consacrés à l’intuition. Enfin, les dernières découvertes dans le domaine de la neuroscience sont mobilisées. Si l’analyse des approches théoriques contribue à éclairer les mécanismes de l’intuition managériale et d’échapper partiellement à l’ésotérisme conceptuel initialement évoqué, elle traduit une hétérogénéité théorique quant au déclenchement, à la nature et aux caractéristiques de l’intuition.
Auteur
Séville Martine
Résumé
L’article a pour objectif d’inviter à réintégrer, dans une théorie de l’action des dirigeants, une variable explicative assez largement oubliée jusqu’à présent : leur patrimoine d’habitudes.
Nous souhaitons dépasser la vision généralement négative du rôle des habitudes dans le comportement des acteurs, que reflète notamment l’expression « biais d’habitude », en nous inscrivant dans une approche plus large du concept d’habitudes, inspirée des travaux de Kaufmann (2001) et de Lahire (2001).
Si les actions des dirigeants sont influencées, comme cela est traditionnellement admis, par des motivations calculatoires, disciplinaires et des dimensions cognitives, nous estimons qu’elles le sont également par leurs habitudes de penser, de juger, et de se comporter, qui constituent des programmes ou des plans d’action qu’ils ont intériorisés et incorporés.
La variable « patrimoine des habitudes des dirigeants » a donc une place dans les modèles d’action, en tant que variable explicative à part entière, sous la double condition d’accepter une approche située, au quotidien de l’action des dirigeants, et de reconnaître le rôle, dans leurs actions, de processus extra-rationnels tels que le jugement et l’intuition.
En tant que déterminant de leurs actions, le patrimoine des habitudes des dirigeants pourrait constituer une ressource de l’organisation, tacite et difficilement imitable, contribuant à concilier les objectifs des dirigeants et ceux de l’organisation ainsi que la continuité et le changement.
Auteur
Haag Christophe, Doctorant
Résumé
Des événements stratégiques majeurs, c’est-à-dire potentiellement perturbants pour l’entreprise, tels qu’une rupture de contrat initiée par le client principal ou une OPA font naître des émotions chez les membres du CODIR, donnant lieu à des discussions souvent animées dans les réunions. On qualifie alors ce type d’événements et de discussions d’ « affectifs » (Weiss & Cropanzano, 1996). Ces discussions surviennent principalement suite à des divergences d’opinions ou des désaccords profonds sur un événement majeur. Nous verrons en effet que les émotions donnent du sens à un événement (Bartunek et al., 2006; Rafaeli & Vilnai-Yavetz, 2004) et que, selon les propres points de vue des dirigeants que nous avons interrogés, les directeurs s’émeuvent différemment face à un même stimulus et voient en lui un sens différent. En tant qu’apporteurs de sens (Daft & Weick, 1984), les membres de CODIR peuvent alors chercher à faire valoir leur point de vue, suivant le degré de conviction qu’ils en ont, de manière plus ou moins « déterminée ». Ils entrent alors facilement en conflit les uns avec les autres, chacun détenant « sa vérité ». Face à un tel « désordre » émotionnel qui rend l’interprétation partagée de l’événement difficile, le dirigeant cherchera, selon son style de leadership, soit à imposer subtilement son point de vue a priori synthétique et construit avec du recul aux membres du CODIR, soit à faire émerger l’interprétation commune à tous de manière à ensuite lancer une action managériale cohérente. Dans ce second cas, insuffler et instiller chez les collaborateurs une émotion commune devient alors la clé du processus. Pour y parvenir, le dirigeant devra être doté d’une bonne intelligence émotionnelle lui permettant d’exprimer avec précision l’émotion qu’il souhaite propager au sein de son CODIR. Nous postulons que les dirigeants qui réussissent dans cet exercice utilisent la dynamique émotionnelle suivante spécifiée dans notre modèle MCE: (1) Alors qu’un événement majeur s’est produit et qu’il risque de susciter des discussions affectives entre les membres du CODIR, (2) le dirigeant émotionnellement intelligent (3) cherchera, à un moment approprié de la réunion de son comité, à communiquer de manière émotionnellement adéquate pour, (4) via un phénomène de contagion émotionnelle, (5) homogénéiser les états émotionnels individuels des membres de l’équipe dirigeante, facilitant ainsi la compréhension partagée de l’événement et, par la suite, la mise en place d’un plan d’action stratégique cohésif et performant.
La conceptualisation du MCE s’appuie sur les travaux d’autres chercheurs sur les mécanismes émotionnels mis en jeu dans la gestion des équipes telles que l’intelligence émotionnelle (Mayer & Salovey, 1997), la contagion émotionnelle (Barsade, 2002), l’émotion de groupe (Bartel & Saavedra, 2000), et les intègre en un modèle unique illustré par du matériel qualitatif recueilli sur le terrain.
La validation empirique du MCE s’est faite à travers des expériences et enquêtes menées sur les dirigeants et membres de CODIR des plus grandes en France et sur des étudiants d’une Grande Ecole de Commerce.
Les résultats statistiques présentés dans ce papier vont dans le sens des hypothèses du MCE et nous permettent ainsi de formuler des implications pratiques de notre modèle avant de discuter ses limites et des voies de recherches futures.
Auteurs
Nadisic Thierry
Fanelli Angelo
Patient David
Résumé
Depuis à présent 20 ans, les chercheurs en justice organisationnelle ont montré que la justice interactionnelle et principalement la justice interactionnelle dont la source est le manager, a un impact significatif sur les attitudes et les comportements au travail. Récemment, on a montré que la justice interactionnelle est composée de deux construits différents : la justice interpersonnelle et la justice informationnelle. Deux perspectives ont été appliquées à l’étude de la justice : une orientation réactive (quels sentiments de justice interactionnelle les gens ont-ils face à certaines situations de travail ? Quelles sont les conséquences de ces sentiments ?) et l’approche proactive (que font les gens, et les managers en particulier, pour apparaître justes au travail ?). Seules de rares tentatives ont été faites pour répondre à la question de ce qui entraîne les managers à se comporter d’une façon qui est considérée comme juste. Une réponse à cette question pourrait aider à comprendre comment concrètement influer sur les superviseurs pour qu’ils agissent de façon plus juste et créent ainsi des attitudes et des comportements plus positifs au travail de la part des salariés. Cet article utilise cette troisième approche qu’il nomme la « perspective créative ». Il intègre sous cette dénomination le petit nombre de travaux qui ont cherché à identifier les antécédents des comportements de justice interactionnelle des managers. D’abord une revue de la littérature est présentée qui fait la synthèse de ces travaux et présente les variables qui ont été proposées ou testées comme ayant un effet sur le comportement de justice interactionnelle des managers. Ensuite des propositions sont faites concernant l’effet combiné de deux variables qui apparaissent comme ayant une importance particulière. D’une part, un antécédent situationnel, le sentiment de justice des managers eux-mêmes concernant la décision qui affecte leurs subordonnés, est supposé avoir un impact sur la composante informationnelle de leurs comportements de justice interactionnelle. D’autre part, un antécédent en termes d’habileté, le niveau des compétences sociales des managers, est proposé comme ayant un effet sur leur comportement de justice interpersonnelle. Ces deux variables apparaissent ainsi comme ayant un effet additif sur les comportements de justice interactionnelle des managers. Des résultats préliminaires obtenus par une expérience auprès de 87 étudiants en MBA sont présentés et des implications théoriques et managériales concluent l’article.