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Haag Christophe

Auteur

Haag Christophe, Doctorant

Résumé

Des événements stratégiques majeurs, c’est-à-dire potentiellement perturbants pour l’entreprise, tels qu’une rupture de contrat initiée par le client principal ou une OPA font naître des émotions chez les membres du CODIR, donnant lieu à des discussions souvent animées dans les réunions. On qualifie alors ce type d’événements et de discussions d’ « affectifs » (Weiss & Cropanzano, 1996). Ces discussions surviennent principalement suite à des divergences d’opinions ou des désaccords profonds sur un événement majeur. Nous verrons en effet que les émotions donnent du sens à un événement (Bartunek et al., 2006; Rafaeli & Vilnai-Yavetz, 2004) et que, selon les propres points de vue des dirigeants que nous avons interrogés, les directeurs s’émeuvent différemment face à un même stimulus et voient en lui un sens différent. En tant qu’apporteurs de sens (Daft & Weick, 1984), les membres de CODIR peuvent alors chercher à faire valoir leur point de vue, suivant le degré de conviction qu’ils en ont, de manière plus ou moins « déterminée ». Ils entrent alors facilement en conflit les uns avec les autres, chacun détenant « sa vérité ». Face à un tel « désordre » émotionnel qui rend l’interprétation partagée de l’événement difficile, le dirigeant cherchera, selon son style de leadership, soit à imposer subtilement son point de vue a priori synthétique et construit avec du recul aux membres du CODIR, soit à faire émerger l’interprétation commune à tous de manière à ensuite lancer une action managériale cohérente. Dans ce second cas, insuffler et instiller chez les collaborateurs une émotion commune devient alors la clé du processus. Pour y parvenir, le dirigeant devra être doté d’une bonne intelligence émotionnelle lui permettant d’exprimer avec précision l’émotion qu’il souhaite propager au sein de son CODIR. Nous postulons que les dirigeants qui réussissent dans cet exercice utilisent la dynamique émotionnelle suivante spécifiée dans notre modèle MCE: (1) Alors qu’un événement majeur s’est produit et qu’il risque de susciter des discussions affectives entre les membres du CODIR, (2) le dirigeant émotionnellement intelligent (3) cherchera, à un moment approprié de la réunion de son comité, à communiquer de manière émotionnellement adéquate pour, (4) via un phénomène de contagion émotionnelle, (5) homogénéiser les états émotionnels individuels des membres de l’équipe dirigeante, facilitant ainsi la compréhension partagée de l’événement et, par la suite, la mise en place d’un plan d’action stratégique cohésif et performant.
La conceptualisation du MCE s’appuie sur les travaux d’autres chercheurs sur les mécanismes émotionnels mis en jeu dans la gestion des équipes telles que l’intelligence émotionnelle (Mayer & Salovey, 1997), la contagion émotionnelle (Barsade, 2002), l’émotion de groupe (Bartel & Saavedra, 2000), et les intègre en un modèle unique illustré par du matériel qualitatif recueilli sur le terrain.
La validation empirique du MCE s’est faite à travers des expériences et enquêtes menées sur les dirigeants et membres de CODIR des plus grandes en France et sur des étudiants d’une Grande Ecole de Commerce.
Les résultats statistiques présentés dans ce papier vont dans le sens des hypothèses du MCE et nous permettent ainsi de formuler des implications pratiques de notre modèle avant de discuter ses limites et des voies de recherches futures.