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Cabantous Laure, Gond Jean-pascal

Auteurs

Cabantous Laure

Gond Jean-Pascal

Résumé

La perspective stratégique et organisationnelle sur la décision s’est élaborée en s’émancipant du modèle économique de la décision rationnelle et en explorant des formes alternatives de rationalité. Cette logique de recherche, bien qu’ayant permis de mettre en évidence différentes facettes de la rationalité, a contribué à maintenir de fortes ambiguïtés sur la notion de décision rationnelle et à sous théoriser le rôle de la rationalité substantive (i.e., la conception économique stricte de la rationalité) dans les organisations. En outre, cette orientation tend à ratifier une séparation, prégnante dans la recherche sur la décision, entre d’un côté une recherche dite « normative » (réalisée par des économistes et des théoriciens de la décision) et de l’autre une recherche dite « descriptive » (réalisée par des psychologues de la décision, des théoriciens des organisations et des chercheurs en stratégie). Cette séparation empêche d’envisager que la décision rationnelle (au sens économique strict), apanage de la recherche normative, puisse exister et faire l’objet d’études empiriques descriptives, comme par exemple l’analyse des conditions sociales à l’existence d’épisodes d’implémentation de la rationalité économique dans les organisations par des consultants spécialisés en théorie économique de la décision, et connus sous le nom de decision analysts. Cette communication invite à repenser le statut de la rationalité dans la théorie des organisations et propose d’envisager la décision rationnelle (le terme est ici pris dans son sens économique strict de rationalité substantive) comme une construction sociale et une pratique performative. Cette communication s’appuie sur le concept de performativité développé par Callon et la perspective strategy-as-practice, pour élaborer un modèle permettant d’appréhender la décision organisationnelle rationnelle comme étant le produit d’une activité complexe impliquant la mobilisation d’une théorie (ici la théorie économique de la décision rationnelle) par des acteurs encastrés dans cette théorie (ex. les decision analysts) et équipés des techniques d’aide à la décision. La théorie comportementale de la décision ayant montré que la grande majorité des décideurs ne se conforment pas spontanément aux axiomes de la théorie économique de la décision, seule cette mobilisation collective de la théorie par des acteurs familiers de cette théorie et utilisant des outils spécialement développés pour « dé-biaiser » les décideurs, est en effet susceptible de rendre « possible » la décision rationnelle. A la suite de Callon, cette communication considère donc que le fait que l’homo oeconomicus n’existe pas à l’état naturel n’implique pas qu’il ne puisse pas exister, et que des épisodes, certes rares, de performation de la théorie économique ne puissent se produire dans les organisations. La communication se conclut par une présentation des recherches empiriques auxquelles ce cadre théorique peut conduire (ex. études des communautés de pratiques d’outils d’aide à la décision rationnelle issues de la théorie économique de la décision, études des marchés des consultants en décision rationnelle). Cette dernière partie démontre la pertinence du cadre d’analyse pour rendre compte de tentatives, probablement rares mais néanmoins régulièrement réitérées, de prises de décisions rationnelles.