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Godé-sanchez Cécile

Auteur

Godé-Sanchez Cécile

Résumé

Dans la littérature en science de l’organisation, il est d’usage de considérer que l’implémentation et la diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) permettent de réduire le coût de la coordination et d’en faciliter considérablement la réalisation. Pour autant, la vision des TIC comme supports des mécanismes de coordination repose sur un cadre d’analyse statique, négligeant les dispositifs dynamiques susceptibles de modifier les relations entre les technologies et ces mécanismes. En transformant les conditions d’exploitation des informations et des connaissances dans l’organisation, la diffusion des TIC peut directement affecter l’efficacité relative des mécanismes de coordination en place, voire générer l’émergence de nouvelles formes de coordination. Dans ce cadre, les TIC ne représentent plus seulement des moyens de coordonner les activités, mais également des leviers importants du changement organisationnel.
L’objet de cet article est double. Il s’attache d’une part à analyser les processus par lesquels les technologies font évoluer les mécanismes de coordination en support desquels elles ont été introduites au départ. Il s’interroge d’autre part sur les effets organisationnels de ces évolutions.
L’article mobilise l’approche structurationniste de la technologie (De Sanctis & Poole, 1994 ; Groleau, 2000), et en particulier les travaux proposés par Orlikowski (1992, 2000). Cette littérature se fonde sur la théorie de la structuration (Giddens, 1984) pour appréhender les effets de l’usage des TIC en milieu organisationnel. En privilégiant le concept de « récursivité », elle met en exergue la réciprocité des relations de causalité entre la technologie et l’organisation, permettant ainsi d’aborder la question du changement technologique dans toute sa complexité. L’examen des usages différenciés des TIC et des processus d’appropriation qui les sous-tendent est approfondi par Orlikowski (2000) lorsqu’elle distingue l’appropriation de l’énaction. Il s’agit de reconnaître les multiples éléments qui modèlent les usages et qui influencent le changement en milieu organisationnel. L’ensemble permet de construire une grille d’analyse pour examiner l’évolution des mécanismes de coordination à partir de l’usage des TIC et ses effets sur les structures du système organisationnel.
L’analyse des cas des Armées américaines en Afghanistan (2001) et en Irak (2003) offre un contenu empirique à nos propositions théoriques afin de clarifier et de mettre à l’épreuve notre grille d’analyse. Concernant la méthodologie utilisée, nous avons opté pour une recherche exploratoire, visant à proposer des résultats théoriques et empiriques sur un sujet novateur et complexe. Les méthodes de recueil et d’exploitation des données utilisées sont celles de l’analyse documentaire et de la conduite d’entretiens d’acteurs clés.
L’analyse démontre que l’examen des différentes formes d’énaction dans les organisations de Défense permet non seulement d’identifier les processus d’évolution des mécanismes de coordination mais également d’appréhender la nature et l’ampleur du changement organisationnel qu’ils génèrent. Nous mettons plus particulièrement en exergue l’importance grandissante de la standardisation par le savoir par rapport aux autres formes de coordination. Ce mécanisme se révèle très efficace pour coordonner des activités géographiquement dispersées et mobilisant des acteurs aux compétences et aux références culturelles différentes. Il introduit cependant des évolutions importantes des structures de signification et de légitimation dans les Armées. La gestion de tels changements évoque certainement l’un des défis majeurs que doit relever le Pentagone aujourd’hui.