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Gilbert Patrick

Auteur

Gilbert Patrick

Résumé

Les réorganisations ponctuent désormais la vie des entreprises de toutes tailles et de tous secteur. Il s’agit d’opérations souvent complexes et risquées. Les écueils sont nombreux et leurs conséquences sur la valeur peuvent être fatales. En cas d’échec, elles fragilisent l’entreprise et déstabilisent son personnel. Même en cas de succès, elles restent délicates. Vivre les réorganisations n’est donc jamais facile, ni pour les dirigeants, ni pour les salariés à la base de l’organisation.
La présente communication voudrait être un apport à la compréhension de ce phénomène. Son point de départ repose sur l’hypothèse que la qualité des apprentissages collectifs réalisés dans le cours même du changement conditionne le bon fonctionnement des organisations transformées. Située au croisement de l’apprentissage et du changement organisationnel, elle postule que ces deux domaines sont fortement reliés. A certaines conditions, le changement est apprentissage car, pour une large part, les compétences se construisent dans la prise d’initiative sur des problèmes ou sur des événements nouveaux (Zarifian, 1995) et l’apprentissage collectif est lui-même un processus de changement organisationnel (Guilhon, 1998). Or, la pratique n’accorde que peu d’attention à ce point ; changement et apprentissage sont habituellement pensés dans des temporalités et dans des lieux distincts et par des acteurs différents. Comment réunir ce qui est dissocié pour assurer un bon fonctionnement des organisations restructurées ?
Dans une première partie, le texte s’attache à approfondir la notion de réorganisation dans la perspective de l’apprentissage organisationnel. D’où il résulte qu’une réorganisation est un processus d’apprentissage collectif dans lequel se confrontent structure formelle et structure des échanges afin de permettre l’émergence progressive de nouveaux fonctionnements. Cet apprentissage peut revêtir différentes formes. A minima, il y a toujours un apprentissage spontané. Sur l’initiative des acteurs, il résulte de circonstances fortuites, d’explorations et d’essais-erreurs. En constatant les limites, les entreprises tentent de l’organiser et privilégient alors des apprentissages formalisés. Ceux-ci peuvent être décalés par rapport aux problèmes à résoudre dans le quotidien d’une réorganisation. Moins habituel et plus contributif, l’apprentissage réflexif s'intéresse à la manière dont la connaissance est produite dans l'action et se fonde sur la gestion de la mise en commun, la capitalisation des expériences.
Dans une deuxième partie, deux études de cas sont proposées pour illustrer à la fois les apprentissages spontanés et les tentatives d’apprentissages délibérés. La première a été réalisée à l’occasion de l’évaluation d’une expérimentation du nouveau service en station dans le métro parisien. La seconde porte sur une première tranche de fusions dans le réseau du Crédit Agricole.
Les principaux enseignements tirés de l’analyse de ces deux situations sont présentés dans une dernière partie. Il apparaît que les agents d’une organisation restructurée n’inventent pas spontanément des solutions qui lui seraient adaptées. D’autre part, la confrontation des acteurs à des situations nouvelles souligne l’existence de core rigidities (Leonard-Barton, 1992 ; Durand, 2000) et l’importance du « désapprendre » (Hedberg, 1981), de la remise en question des routines défensives, préalable indispensable à la mise en place de nouveaux cadres d’interprétation.
Le texte met ainsi en évidence l’insuffisance des apprentissages spontanés lors des réorganisations et la nécessité d’apprentissages-désapprentissages organisés sur un mode réflexif.