AIMS

Cusin Julien
« Vous êtes le maillon faible, au revoir ! »1 : Les purges symboliques comme obstacle à l’apprentissage par l’échec

Auteur

Cusin Julien

Résumé

Les lancements de nouveaux produits sont en proie à des risques d’échec très importants. Et pourtant, la plupart des travaux en sciences de gestion ont un biais en faveur du succès. Les rares auteurs qui s’intéressent néanmoins à cette question adoptent généralement une position très optimiste, dès lors que les échecs commerciaux sont présentés comme une source essentielle d’apprentissage pour les firmes innovantes, leur permettant d’améliorer le développement de produits ultérieurs (e.g. Maidique et Zirger, 1985 ; Lynn et al., 1996). Cet article souhaite apporter un éclairage quelque peu différent à cette problématique, en contribuant, par là même, à la construction d’un champ de recherche sur les échecs organisationnels, qui est actuellement en plein bouillonnement, depuis que la revue Long Range Planning a sorti un numéro spécial, en juin 2005, entièrement consacré à cette thématique. Nous rappelons tout d’abord que les réifications fréquentes dans les travaux sur l’apprentissage organisationnel ne doivent pas conduire à occulter le fait que les individus restent les seuls sujets d’apprentissage. En partant de ce constat, nous nous proposons ainsi d’identifier, à travers l’étude de cas approfondie d’une entreprise du secteur de la distribution, les individus qui détiennent le maximum d’expertise sur cet objet d’apprentissage que constitue le projet. Nous rappelons ensuite que l’échec commercial dudit projet peut avoir des conséquences importantes pour l’organisation. En effet, l’arrêt du projet peut se traduire par "l’élimination" – à haute charge symbolique – des individus les plus impliqués dans cette aventure, et qui en sont, en quelque sorte, l’incarnation aux yeux des collaborateurs. Face à un tel turnover, impulsé par le sommet stratégique, l’entreprise se trouve alors face à une véritable fuite des savoirs en dehors de ses frontières et ne semble plus réellement en mesure de tirer les leçons de l’échec, ce qui jette un doute manifeste sur les travaux abordant cette question à travers le prisme des trajectoires d’innovation.