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De serres Andrée

Auteur

Andrée De Serres

Résumé

L’étude de la conception et du développement de la mesure de la fiabilité d’une organisation et, en contrepartie, de la confiance qu’on lui témoigne, s’inscrit en tant que construit social innovateur. Parce qu’elles gèrent principalement l’argent des autres, les banques sont plus que tout autre type d’organisation et tout autre secteur d’activités industrielles appelées à démontrer comment elles sont fiables et dignes de la confiance que leur apportent les individus, les régulateurs et la société.
Les banques ont été notamment confrontées à démontrer l’intégration de valeurs éthiques dans leur stratégie, mettant l’accent dans leur discours sur la qualité de leur gouvernance et de leur responsabilité sociale et environnementale (RSE). À partir des résultats d’études empiriques, le premier but de cet article est de décrire comment les banques ont conçu leur discours RSE et intègrent cette vision dans leurs activités. L’analyse des bilans sociaux et des pratiques RSE de banques canadiennes, américaines, françaises et anglaises a permis de constater que la RSE est qualifiée d’engagement volontaire allant au-delà de leur responsabilité juridique (De Serres, Gendron, Ramboarisata; 2006; De Serres, Roux; 2005). Leur vision de la RSE est orientée vers la gestion des relations avec les parties prenantes et des enjeux sociaux, suivant la vision véhiculée dans la littérature managériale. Les banques intègrent peu à peu la gestion des risques sociaux et environnementaux dans leur offre de produits et services et le divulguent dans leurs bilans sociaux.

Cette conception de la RSE et son intégration dans les activités d’une banque sont-elles suffisantes pour valider sa fiabilité et évaluer sa responsabilité fiduciaire ? Le discours RSE des banques a occulté une autre dimension éthique plus particulière aux activités financières, soit celle associée à leur responsabilité fiduciaire. La sévère crise du papier commercial adossé à des actifs (PCAA) débutée en 2007 révèle abruptement les impacts sociaux de la mauvaise gestion des risques éthiques et fiduciaires, encore absents de la conception par les banques de leur RSE. Ces risques vont au-delà de la conception de leur RSE telle qu’ils l’ont élaborée jusqu’à ce jour. Le deuxième but de cet article est de recenser les nombreux risques éthiques et fiduciaires inhérents aux activités financières identifiés qui n’ont pas été intégrés dans la conception de la RSE des banque : coûts d’accessibilité aux services, développement économique local, blanchiment, évasion fiscale, paradis fiscaux, responsabilité fiduciaire face aux clients, gestion des conflits d’intérêts des employés, effets des politiques de rémunération et de promotion sur les recommandations aux clients, analyse des impacts des projets financés sur le développement durable, etc. (De Serres, 2006, De Serres, 2005). Les défis des banques et des chercheurs, consistent maintenant à identifier et à évaluer les impacts des défaillances des risques éthiques et fiduciaires, pouvant être désigné comme performance fiduciaire, sur leur performance financière et sur leur réputation. La bonne gestion de ces risques est importante non seulement pour la banque elle-même et la société dans laquelle elle évolue mais aussi pour tous les autres pays devenus vulnérables au risque systémique et global dans ce contexte de mondialisation et de globalisation de marchés.

Le troisième but de cet article emprunte une approche plus instrumentale et aborde l’analyse de l’effet des politiques publiques de divulgation imposées aux banques relativement à leur gouvernance et à la prise en considération des impacts éthiques, sociaux et environnementaux de leurs activités. À l’image d’un « cheval de Troie », les nouvelles politiques publiques, fondées sur des approches de divulgation de processus en gestion de risques et de meilleure exécution, ont amené les banques à se dévoiler, à se comparer et à chercher à se dépasser les unes des autres. Plusieurs recherches révèlent que les banques choisissent souvent de se conformer strictement aux obligations légales en matière de RSE, malgré qu’un mouvement vers une approche managériale de gestion des risques, incluant les risques de gouvernance, éthiques, fiduciaires, sociaux et environnementaux, est bien perceptible. Les banques sont en effet plus que jamais confrontées à l’obligation d’ajuster leurs pratiques et activités conformément à des règles rigoureuses de conformité et de divulgation. En les incitant à s’engager dans un cycle d’amélioration perpétuel de leur RSE, elles provoquent des réactions prometteuses en termes de dynamique innovatrice d’apprentissage (Nelson & Winter, 1982) et de changement organisationnel (Huber, Van de Ven, 1995), réaction que les chercheurs doivent analyser plus en profondeur afin d’être en mesure d’évaluer et comparer les changements dans le temps et entre les différentes juridictions.