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Shimada Sakura

La transmission intergénérationnelle de savoirs et compétences fait son retour dans les pratiques des entreprises. Pratique ancestrale de l’humanité et pourtant délaissée dans l’intensification du travail, elle resurgit aujourd’hui avec un enjeu de taille. Car, si sa pratique n’est pas toute nouvelle, le défi n’a jamais été aussi important. De l’une, il s’agit de relayer les avoirs et compétences entre les générations qui succèdent en entreprise. De deux, il s’agit d’assurer la réactualisation d’une partie de ces savoirs et compétences sans délaisser l’ancienne génération. Au niveau du management stratégique, cela revient à intégrer une vision générationnelle de l’organisation dans la réflexion sur la compétitivité et l’évolution de l’entreprise. Or, incomplète et imprécise dans la manière dont elle est actuellement abordée, la transmission intergénérationnelle ne peut assurer son rôle stratégique. Le mécanisme qui lie les pratiques de la transmission intergénérationnelle à la stratégie de l’entreprise n’est quant à lui quasiment pas exploité. Pourtant, la Ressource-based view (RBV) insiste depuis les années quatre-vingt, sur le rôle crucial des ressources internes de la firme dans l’obtention d’un avantage concurrentiel. Il semble donc nécessaire de réinterroger les termes de cette transmission intergénérationnelle, au regard de l’enjeu stratégique de l’entreprise. Dans une perspective théorique, cet article propose de replacer la transmission intergénérationnelle dans un cadre de dynamique stratégique. Nous procédons ainsi à une redéfinition, au regard de la stratégie de l’entreprise, 1) des savoirs et compétences (objet de transmission), et 2) du concept de génération (acteurs de la transmission). Les savoirs et compétences sont analysés à la lumière du courant de la RBV. La typologie qui en résulte retient trois niveaux imbriqués de savoirs et compétences dans une vision interactionniste: les savoirs, les compétences individuelles et collectives, et les capacités organisationnelles. Or, l’entretien de ces savoirs et compétences implique leur continuité, mais aussi leur mise à jour. D’après cette idée, la transmission intergénérationnelle sera qualifiée de capacité dynamique : une aptitude de la firme à reconfigurer ses actifs organisationnels, afin de s’adapter aux changements de l’environnement. Nous proposons alors une nouvelle formulation de la notion génération, en fonction des domaines de savoirs et de compétences qu’elle représente pour l’entreprise. Tandis que la « génération sociétale » est peu pertinente pour notre sujet et que la « génération en cycle de vie » a perdu de son actualité, la « génération de savoirs et de compétences » est une nouvelle réalité qui demande à être prise en compte. En effet, les changements qui interviennent régulièrement dans le travail produisent des générations marquées par différents ensembles de savoirs et compétences. Ainsi redéfinie, la transmission intergénérationnelle est une négociation et un remodelage des savoirs et compétences de l’entreprise dans le temps. Elle incarne ainsi une dialectique entre la continuité et le changement de l’entreprise. Ce processus se fait par l’interaction sociale entre générations, ces ensembles de personnes qui ont façonné et ont été façonnées par des manières de travailler qui leur sont propres.