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Gendron Yves, Guénin-paracini Henri, Morales Jérémy

Cet article s’intéresse aux mécanismes sociaux qui participent à la consolidation de l’agenda néolibéral de privatisation des États, dans le contexte de crises qui pourraient, du moins théoriquement, bousculer les perceptions ambiantes en ce qui concerne le bien-fondé du néolibéralisme dans le secteur public. De façon plus spécifique, nous cherchons à mieux comprendre, à partir du cas relatif au maquillage des statistiques publiques de l’État grec tel que mis au jour en 2010, la façon dont les mécanismes de construction de sens en viennent à donner lieu à une interprétation collective qui contribue à la perpétuation de l’ordre établi et de l’emprise du néolibéralisme sur le social et le politique. Les matériaux empiriques que nous mobilisons sont constitués d’énoncés journalistiques (issus notamment de la presse écrite ou publiés sur Internet) desquels nous dégageons certaines trajectoires problématisantes, ou stratégies de mise en accusation, en rapport avec la crise grecque. Au final, notre analyse montre que l’influence de la doctrine néolibérale de privatisation des états ne se traduit pas seulement par un vent de déréglementation et par l’importation de méthodes et de pratiques de gestion employées dans le secteur privé ; elle s’accompagne également du renforcement d’une certaine éthique managériale incorporée par les représentants et les garants du fonctionnement de systèmes politiques, éthique selon laquelle l’impératif de rationalité permet d’exclure tout débat citoyen en présentant les pratiques et technologies préconisées comme une nécessité objective, technique et neutre. La perpétuation de la privatisation des États, au travers des crises et des trajectoires problématisantes formulées par les médias, entraîne donc des effets importants en matière de construction identitaire : on peut notamment penser à l’identité du citoyen en tant qu’individu conformiste, peu disposé à remettre en question les postulats du néolibéralisme. En conclusion, nous traitons des conséquences de ce processus de construction identitaire, qui rendent difficilement discutable le projet néolibéral de privatisation de l’État, par rapport au fonctionnement des systèmes démocratiques contemporains.