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Blanc Antoine

L’institution participe à l’organisation de la vie sociale. Elle fournit une base à l’action collective en fédérant un ensemble d’individus autour de règles, de normes et de sens partagés. Si l’institution reflète persistance et stabilité, elle n’est pas pour autant immuable. Des forces entropiques s’exercent sur les systèmes sociaux et introduisent du changement. Une question essentielle se pose alors, mais reste peu abordée dans la littérature institutionnelle : comment certaines institutions se maintiennent-elles, en dépit de fortes pressions entropiques ? Notre objectif est de comprendre la relation entre l’acteur et l’institution pour expliquer la stabilité de certains éléments institutionnalisés. Pour ce faire, nous nous appuyons essentiellement sur la notion de travail institutionnel, en nous intéressant à la relation complexe entre l’institution et les acteurs qui y sont imbriqués. Nous proposons une revue de littérature des travaux portant sur le maintien, en ne le cantonnant pas uniquement à des actions intentionnelles et réflexives mais aussi à un ensemble d’efforts correspondant à des pratiques quotidiennes ou routinières. Ces dernières reflètent aussi une forme d’agence. Pour rendre compte des efforts qui participent au maintien institutionnel, nous explorons en profondeur un cas unique, celui de la musique enregistrée. En dépit de changements technologiques et sociaux importants qui se veulent les pourvoyeurs d’une révolution numérique, nous constatons la persistance de certains piliers de la musique enregistrée, comme la propriété intellectuelle ou la rémunération des artistes. Nous considérons la musique enregistrée comme une institution, composée d’un ensemble d’éléments stabilisés. Nous abordons en particulier un épisode critique, celui de la licence globale en France, durant lequel le modèle économique dominant s’est vu menacé, du fait de l’avènement d’une quasi-légalisation des échanges « pirates ». Nous nous appuyons sur une série de 26 entretiens semi-directifs, et sur l’analyse d’un riche corpus de données secondaires. Nous explorons en particulier le rôle des acteurs dans le maintien institutionnel, en nous intéressant aux efforts exercés par les individus et groupes qui insufflent une logique de stabilité dans un environnement perturbé. A partir du cas de la filière musicale, nous construisons une typologie des efforts s’exerçant aussi bien sur les acteurs d’un champ que sur les éléments institutionnalisés. D’un point de vue théorique, nous insistons sur la notion de dispositif, enjeu important pour les acteurs engagés dans le maintien. En particulier les dispositifs les plus efficaces, et qui concentrent les efforts des acteurs, sont ceux qui alignent les trois piliers de l’institution, régulateur, normatif et cognitif en instaurant des passages obligés pour les acteurs.