Ce travail soulève la question de « comment les organisations agissent sur leur
environnement afin de créer des situations qui leur sont avantageuses ». Récemment, un
consensus s’est dégagé sur le rôle du discours dans les stratégies d’intervention d’une
organisation sur son environnement (Lawrence et Suddaby, 2006). Plus qu’une description
de la réalité, c’est le potentiel performatif de la réalité du discours qui est souligné dans ce
courant théorique. Notre contribution s’inscrit dans la même veine et souscrit à l’importance
du discours comme action constitutive des institutions et des structures de l’environnement.
Cependant, nous soulevons à la suite de Zilber (2007) l’absence d’une description fine de
l’utilisation pragmatique du discours à des fins stratégiques qui prendrait en compte la variété
des pratiques de production de discours et leur évolution dans le temps et selon les
évènements de l’environnement. Pour ce faire nous avons étudié les stratégies discursives
produites dans le cadre du déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) en France.
La TNT a stimulé un débat très vif sur la possibilité qu’elle permet de lancer de nouvelles
chaînes de télévision terrestres. De nouveaux acteurs tels que NRJ, Lagardère et Bolloré
soutenus par le CSA et la l’Etat saluent la venue de la nouvelle technologie et encouragent la
création de nouvelles chaînes. Pour ce groupe la TNT est un progrès social et culturel qui
démocratise la télévision en offrant plus de chaînes gratuites. TF1 et M6, en position de
domination dans le paysage audiovisuel français s’opposent avec véhémence à la TNT et
s’emploient à contenir ses conséquences déstabilisatrices sur la structure concurrentielle.
Nous avons analysé les stratégies discursives des deux groupes d’acteurs impliqués dans la
lutte discursive autour de la TNT. Les résultats montrent que la stratégie discursive est menée
au niveau des pratiques locales des acteurs et consiste dans des choix de thèmes discursifs et
de processus de théorisation. Par ces pratiques les acteurs construisent des textes cohérents,
donnant une vision unifiée de la réalité, à même de porter un projet de changement
institutionnel ou de s’attaquer à la cohérence des textes produits par les concurrents.
Les résultats mettent en évidence plusieurs stratégies de choix de thèmes et décrivent des
processus de théorisation pouvant être utilisées dans des stratégies discursives d’influence de
l’environnement. L’introduction de nouveaux thèmes discursifs et le recours à des processus
de théorisation qui construisent des problèmes et des solutions apparaît comme un indicateur
de contingence de la stratégie discursive par rapport aux évènements de l’environnement.
Les apports de la recherche pour le champ de la stratégie consistent dans la dimension
symbolique que revêtent les stratégies discursives.
La communication s’efforce de montrer que les entreprises virtuelles de la nouvelle économie comportent des structures, des processus et des systèmes dont le développement et le fonctionnement peuvent faire l’objet de trois types dominants de correspondances analogiques :
- par les leaders et les managers, avec « l’instance » inconsciente des rêves.
- par les consultants et les formateurs, avec un réseau de « neurones » (les flux d’information) reliant des « synapses » (les centres d’émission et de réception), avec un centre (l’entreprise-noyau) et des unités périphériques (les partenaires et les sous-traitants) ;
- par les théoriciens des organisations, avec l’appareil psychique lui-même, organisé par Freud dans sa seconde topique, en trois instances (çà, moi et sur-moi).
L‟institution, par définition, reflète une notion de persistance. Elle cadre durablement la pratique des acteurs à travers un ensemble d‟éléments réglementaires, normatifs et cognitifs. Par ailleurs, cette persistance n‟est pas le résultat d‟un pur effet institutionnel. Elle s‟explique aussi, en grande partie, par un travail institutionnel : certains individus s‟engagent dans un ensemble d‟actions afin de participer à la reproduction des institutions et de l‟ordre établi. Ces actions de maintien sont cruciales pour instruire la question de persistance des institutions, mais restent cependant quasiment inexplorée dans la littérature institutionnelle. Dans cette étude, nous traitons la question du maintien en accordant une attention particulière à l‟agence des individus. Certains acteurs ont intérêt à maintenir l‟ordre institutionnel, ce qui se traduit par des efforts pour reproduire des croyances et schémas de pensée. Le discours comme objet d‟analyse est ici central pour étudier les efforts sur les croyances et schémas cognitifs, d‟autant plus que les institutions sont, à plusieurs égards, des constructions sociales discursivement constituées. Cet article se propose ainsi d‟explorer les processus agentiels qui participent à la reproduction de l‟ordre institutionnel. Plus spécifiquement, nous étudions les travaux discursifs des acteurs dominants visant à stabiliser croyances et significations. Dans ce dessein, nous nous intéressons à un cas unique, celui de l‟industrie musicale en France où la stabilité du champ est remise en question avec le développement d‟Internet. Le projet de « licence globale » offre un potentiel important de changement, et laisse apparaître des efforts pour maintenir le système existant. Nous avons réalisé une étude longitudinale portant sur un corpus de textes de 2004 à 2008 produits autour de la question de « licence globale » et sur une série d‟entretiens. Une analyse discursive lexicométrique, avec le logiciel Alceste, a permis de mettre en évidence, dans le discours des Majors, la manipulation et le renforcement des croyances existantes à travers la circulation, l‟association et la répétition de certains mots. En particulier, nous mettons en évidence le travail discursif opéré sur la notion d‟artiste. La dimension marchande de l‟artiste est renforcée et naturalisée pour reproduire l‟ordre existant malgré un environnement instable.