Dans quelle mesure l'approche pratique de la stratégie (s-a-p) permet-elle une compréhension plus fine et plus avancée de la stratégie et du management stratégique que le permet l'approche par les ressources (RBV)? Dans quelles conditions l'approche pratique est-elle une avancée par rapport à la RBV pour lier le micro et le macro? Pour répondre à ces questions, nous confrontons la portée explicative des deux approches en les comparant sur une base empirique. Nous analysons un même cas selon les deux perspectives afin d'en comparer la contribution. Le cas soumis à double analyse est celui du restaurant Arpège et de son chef Alain Passard, triple étoilé au Michelin, qui depuis plus de dix ans propose avec succès une cuisine légumière. La comparaison des deux analyses fait apparaître que l'approche RBV aboutit à l'identification de ressources aux qualités stratégiques peu convaincantes et à la réification du chef comme entrepreneur et créateur de génie. Une analyse par la pratique permet quant à elle une meilleure vision de la combinaison de pratiques hétérogènes pour la création de valeur ainsi qu'un lien plus clair entre les notions de valeur et de champ. Notre analyse comparative met donc en lumière le pouvoir explicatif prometteur de l'approche pratique. Ce pouvoir explicatif est très intimement lié à la définition même de la notion de pratique, qui intègre à la fois des éléments micro et macro, se démarquant ainsi très nettement d'une simple approche microprocessuelle.
Ce papier aborde la stratégie par les pratiques des managers (Strategy-as-Practice). Il s’appuie sur une recherche action menée au sein d’une Direction régionale de La Poste pour rendre compte des pratiques communicationnelles à l’œuvre dans une réunion de direction et analyse les conditions qui permettent aux managers d’ouvrir un « épisode stratégique » (Hendry et Seidl, 2003) au cours duquel les orientations stratégiques de l’organisation sont mises en discussion. Alors qu’une grande partie de la littérature consacrée aux épisodes stratégiques se focalise sur la phase de reconnexion de l’épisode avec le fonctionnement quotidien et routinier de l’organisation, cette recherche se penche sur les phases d’initiation (déconnexion) et de conduite d’un épisode. Le cadre théorique de la communication de Habermas (1987) est mobilisé pour analyser très finement la structure de la dynamique communicationnelle qui se déploie à l’occasion de l’épisode stratégique ainsi que les conditions nécessaires à l’établissement d’un « dialogue innovant » (Schwarz et Balogun, 2007) entre managers. Le papier montre en quoi la recherche-action est une stratégie particulièrement bien adaptée à l’étude des épisodes stratégiques.
La structuration d’un nouveau courant de recherche dans le domaine de la stratégie est un phénomène d’importance, dont les propositions gagnent selon nous à être examinées au regard d’approches théoriques antérieures. Par conséquent, cette communication vise à rapprocher l’école de la stratégie en pratiques de la perspective instrumentale d’analyse des outils de gestion. Plus précisément, nous proposons d’assimiler un outil de gestion singulier à une pratique sociale, dans le but d’appréhender la stratégie d’une organisation. En ce sens, l’analyse qualitative du contrat d’établissement d’une université pluridisciplinaire de taille moyenne permet de caractériser une part significative de ses pratiques stratégiques. Les apports du courant de la stratégie en pratiques à l’étude des outils de gestion sont finalement discutés.